LA THÉORIE QUANTITATIVE DE LA MONNAIE, Milton Friedman Fiche de lecture
The Quantity Theory. A Restatement („La Théorie quantitative de la monnaie. Une nouvelle présentation“) marque le retour au cœur des débats macroéconomiques de l'après-guerre de la théorie quantitative de la monnaie ; c'est aussi la première contre-attaque théorique d'envergure à l'encontre de l'orthodoxie keynésienne. Il s'agit en fait de l'article introductif d'un ouvrage édité sous la direction de Milton Friedman (1912-2006) en 1956, Studies in the Quantity Theory of Money, qui rassemble principalement des contributions empiriques, dont une étude importante de Phillip Cagan, The Monetary Dynamics of Hyperinflation. L'ensemble donne du poids à cette entreprise fondatrice de ce qu'il est convenu d'appeler la „contre-révolution monétariste“.
Une théorie de la demande de monnaie
L'objectif de Friedman est double. Il s'agit à la fois de prendre des distances avec la version traditionnelle de la théorie quantitative de la monnaie et de contrer les positions anti-quantitativistes des keynésiens orthodoxes. La tradition quantitativiste considère que la quantité de monnaie M nécessaire pour réaliser des transactions pendant une période donnée est dans une proportion fixe avec la valeur monétaire de ces transactions. De plus, la production Y de l'économie est toujours suffisante pour qu'il n'y ait pas de chômage. Par conséquent, toute augmentation de la quantité de monnaie en circulation (suite à une augmentation de l'offre de crédit bancaire, par exemple) sera sans effet sur le niveau de la production. La même quantité de produit sera achetée avec une plus grande quantité de monnaie. Puisque la vitesse de circulation de la monnaie V est une constante (une donnée institutionnelle invariable à court terme, qui indique le nombre moyen de transaction par unité monétaire), le niveau des prix P est la seule variable d'ajustement aux variations de l'offre de monnaie. Selon les keynésiens orthodoxes, l'équation quantitative (MV = PY) est pertinente, mais, lorsque le taux d'intérêt est trop faible, en situation de „trappe à liquidités“, toute augmentation de l'offre de monnaie est conservée sous forme d'encaisses spéculatives. Ce n'est plus P qui sert de variable d'ajustement, c'est la vitesse de circulation.
La réhabilitation qu'entreprend Friedman de la théorie quantitative consiste à concilier plusieurs contraintes. Tout d'abord, se départir du caractère mécanique de ces explications. Ensuite, théoriser une hypothèse empirique : la stabilité de la demande de monnaie et de la vitesse de circulation, conçues comme des fonctions et non comme des constantes. Enfin, ne pas négliger l'explication du niveau des prix. Pour cela, Friedman présente la théorie quantitative comme une théorie de la demande de monnaie. La monnaie est un actif parmi d'autres, une manière de détenir de la richesse, que l'on peut traiter formellement comme la demande de n'importe quel bien, à condition d'introduire une dimension intertemporelle. La demande d'encaisses réelles d'un agent (demande de monnaie exprimée en valeur réelle, c'est-à-dire déflatée du niveau général des prix) est une fonction qui dépend, de manière simplifiée : 1. de la contrainte de richesse, la richesse étant assimilée par Friedman au revenu permanent, c'est-à-dire à la valeur actualisée des revenus présents et futurs des agents ; 2. du rendement relatif de la monnaie par rapport aux autres actifs financiers (actions, obligations) ; 3. des anticipations d'inflation ; 4. des préférences des ménages.
Finalement, à la différence de la version traditionnelle, „la quantité moyenne de monnaie détenue par dollar de transactions est elle-même considérée comme résultant d'un processus économique d'équilibrage[...]
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Écrit par
- Jean-Sébastien LENFANT : maître de conférences en sciences économiques à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
Classification
Média
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