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LA TRILOGIE DE LA VILLÉGIATURE, Carlo Goldoni Fiche de lecture

Carlo Goldoni - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Carlo Goldoni

Lorsque les trois comédies composant La Trilogie de la villégiature sont représentées pour la première fois en octobre 1761, à Venise, au théâtre San Luca, Carlo Goldoni (1707-1793) a cinquante-quatre ans. Depuis son entrée dans le monde du théâtre en 1748, il a réussi à imposer aux acteurs le jeu « prémédité », le respect du texte et de l'auteur. En modifiant ainsi les habitudes scéniques des improvisateurs, il a donné à Venise un théâtre « de caractères », attaché à l'observation des mœurs de la société vénitienne, et à leur correction. Il est traduit en France, en Allemagne, et Voltaire l'admire.

La parfaite maîtrise de son art, dont La Trilogie de la villégiature est le meilleur témoin, et cette reconnaissance internationale ne mettent cependant pas le dramaturge à l'abri des intrigues que mènent contre lui ses adversaires vénitiens. En 1761, Goldoni subit ainsi de plein fouet les attaques des Granelleschi, une académie conservatrice qui lui reproche la trivialité de ses sujets – il met en scène le petit peuple de Venise – et de sa langue – il écrit en prose et en vénitien. Aux Granelleschi appartient précisément Carlo Gozzi, un noble désargenté à la plume féroce, qui a remis la commedia dell'arte au goût du jour avec des « fables théâtrales ». Parmi celles-ci, L'Amour des trois oranges, qui, en 1761, triomphe au théâtre San Samuele, condamnant les trois comédies goldoniennes à un médiocre succès d'estime. En avril 1762, Goldoni part pour Paris. Il ne reviendra plus à Venise.

La confusion des sentiments

Dans la Préface à la première partie de La Trilogie de la villégiature, Goldoni déclare avoir conçu l'idée des trois pièces en même temps, autour d'un même groupe de protagonistes : Leonardo, jeune bourgeois fougueux mais ruiné, et sa sœur Vittoria ; Giacinta, dont Leonardo est jalousement amoureux, et son père, l'insouciant Filippo ; enfin Guglielmo, aimé par Vittoria, mais amoureux de Giacinta. Tout en formant les trois actes cohérents d'une vaste comédie de sentiments à la conclusion pathétique, les trois pièces, précise Goldoni, ont chacune leur logique propre et peuvent être jouées séparément.

Les protagonistes sont d'abord saisis dans les préparatifs fiévreux du départ pour la villégiature annuelle (La Manie de la villégiature). Au terme de la première comédie, le départ, un moment retardé à cause des caprices vestimentaires de Vittoria, puis de la jalousie de Leonardo, furieux que Filippo ait invité Guglielmo dans sa voiture, est assuré. Giacinta, malgré sa réticence à subir la jalousie de Leonardo qu'elle estime une entrave à sa liberté, a même accepté de se fiancer avec lui.

Dans la deuxième pièce (Les Aventures de la villégiature), nos protagonistes, entourés de divers couples et personnages secondaires, goûtent avec une satisfaction mitigée les divers rituels et passe-temps de la vie campagnarde – jeux de cartes, conversations, promenades, batifolages. Giacinta est bouleversée par les sentiments, inconnus d'elle, qui la poussent vers Guglielmo, contre la parole qu'elle a donnée à Leonardo. Dans un moment plein de gravité, elle avoue à Guglielmo : « C'est vrai, je... je vous aime. Je vous aime. Cet aveu est tout ce que vous avez à attendre de moi. N'espérez pas que je manque à mes engagements. Je ne le ferai pas. Au contraire, je m'efforcerai de vous oublier et j'y arriverai. Ou alors je mourrai. » Pour se tirer d'embarras, et soumettre ses sentiments à son devoir, elle force Leonardo à accorder Vittoria à Guglielmo, et le décide à quitter sans tarder des lieux qui signifient pour elle souffrance et dérèglement.

La troisième comédie, Le Retour de villégiature, est tout empreinte de la mélancolie d'un retour précipité à la ville qui signifie pour Giacinta – sans doute[...]

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Carlo Goldoni - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

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