LA TRILOGIE DE LA VILLÉGIATURE, Carlo Goldoni Fiche de lecture
Une forme éclatée
Goldoni est l'homme des défis. La réforme qu'il projette et accomplit envers et contre tous, les seize comédies qu'il écrit en un an en 1751 pour sauver le théâtre Sant'Angelo, son départ pour Paris pour d'autres expériences sont les plus marquants. Le sont aussi les « suites » où il fait éclater la structure temporelle et spatiale unitaire de la comédie, pour mieux développer les situations et approfondir les caractères de ses personnages, tout en s'assurant l'audience du public. Avant La Trilogie de la villégiature, il a notamment testé ce mode d'écriture dans la trilogie persane (L'Épouse persane, Ircana à Iulfa, Ircana à Ispahan). Le cadre exotique, l'orientation presque tragi-comique d'une intrigue riche en rebondissements mélodramatiques justifiaient ce traitement « en épisodes » qui ménageaient le suspens. Pour La Trilogie de la villégiature, le pari était sans doute plus hasardeux étant donné le caractère anecdotique et intimiste de l'intrigue.
Mais Goldoni y concluait aussi magistralement une autre recherche. La mode vénitienne de la villégiature est une thématique récurrente de son théâtre et de ses livrets, depuis le Momolo sur la Brenta (Le Prodigue) de 1739, jusqu'aux Mécontents (1755) et à La Villégiature (1756) qui préparent la magistrale synthèse de 1761. Chacun de ses retours sur le thème représente une intéressante variation stylistique et sémantique dans l'évocation théâtrale de cette « frénésie » dispendieuse qui signifiait pour lui ruine, désordre, dissipation, mais aussi liberté. Comme il l'avoue dans l'un de ses poèmes, Goldoni connaissait bien les rituels et les excès de la villégiature pour les avoir pratiqués plusieurs fois auprès de quelques nobles amis. Peut-être est-ce pour cela qu'il adopte dans ses transpositions scéniques une attitude de plus en plus ambiguë où le souvenir ému de délicieuses transgressions se mêle à la dénonciation.
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Écrit par
- Françoise DECROISETTE : agrégé d'italien, docteur d'État, professeur à l'université de Paris-VIII
Classification
Média