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LA VIE DES AUTRES (F. Henckel Von Donnersmarck)

Dans des registres thématiques – politique, historique, religieux – et esthétiques différents, Good Bye Lenin ! (2003, Wolfgang Becker), Sophie Scholl, lesderniers jours (2005, Marc Rothmund) et Le Grand Silence (2006, Philip Gröning) attestaient le renouveau du cinéma allemand. La Vie des autres (2006) apporte une nouvelle preuve. Inspiré par des souvenirs d'enfance, minutieusement préparé pendant quatre ans, ce premier long-métrage de Florian Henckel von Donnersmarck s'appuie sur un important travail de documentation (consultations d'archives, d'ouvrages spécialisés et de films, auditions de témoins des années 1980) qui a permis au cinéaste de retrouver l'authenticité de l'empreinte du passé.

À la fois film d'espionnage, récit d'analyse psychologique et thriller politique, La Viedes autres s'inscrit dans le sillon tracé par Soleiltrompeur (1994), de Nikita Mikhalkov et Bouge pas, meurs, ressuscite (1989), de Vitali Kanevski, qui fustigeaient a posteriori le régime politique soviétique. Dans le dessein de mettre au jour le fonctionnement de ce système totalitaire, qui repose sur la coercition, la répression et la terreur, le cinéaste situe cette remise en question en novembre 1984, à Berlin-Est, où le pouvoir enserre les citoyens de la République démocratique allemande dans les mailles d'une gigantesque toile d'araignée tissée par la police politique, la Stasi (abréviation de Staatssicherheit, « sécurité d'État »). Selon le principe qui a fait ses preuves : la fin justifie les moyens, la mission de celle-ci est de « tout savoir » sur « la vie des autres », en particulier sur ces « opposants virtuels » que sont les intellectuels et les artistes.

Auteur dramatique de renom, Georg Dreyman (Sebastien Koch) est apprécié du pouvoir pour sa loyauté envers le régime. Mais il vit en couple avec une actrice célèbre, Christa-Maria Sieland (Martina Gedeck), que le ministre de la Culture, Bruno Hempf (Thomas Thieme), voudrait prendre pour maîtresse. Il faut donc qu'il soit compromis et éliminé : « Il cache quelque chose, affirme le ministre, mes tripes me le disent. » Serviteur fidèle de la Stasi, le capitaine Gerd Wiesler (Ulrich Mühe) est chargé de placer le dramaturge sous surveillance, au moyen de micros miniaturisés dissimulés dans les interrupteurs de son appartement. D'où le rôle important joué, dans le film, par les objets mis en relief par les cadrages : jumelles, casque d'écoute, appareils d'enregistrement des conversations, téléphones, écrans de télévision interne, machine à écrire consignant les rapports d'activité des suspects heure par heure. Cette procédure d'espionnage prend pour nom de code : « Opération Lazlo » ; celui du responsable est HGW XX / 7.

Elle se déroule sous le signe du réalisme. Les décors de plusieurs séquences importantes, qui montrent les interrogatoires, sont les lieux mêmes occupés autrefois par la Stasi, en particulier ceux de son ancien QG de la Normannenstraße à Lichtenberg, aujourd'hui transformés en musée. Soucieux de recréer le « climat visuel » de cette époque, le cinéaste a renforcé les tendances chromatiques qui dominaient en RDA en procédant par soustraction. Comme il y avait en 1984 beaucoup plus de vert que de bleu, cette dernière couleur a été éliminée : le récit donne la primauté aux tons verts froids tant pour les intérieurs que pour les extérieurs (rues et immeubles, séquences des obsèques de Jerska et du rendez-vous au mémorial Pankow). De même, l'orange étant beaucoup plus répandu que le rouge, le rouge a été supprimé. Des nuances de marron, de beige, de vert et de gris s'observent dans l'appartement de Dreymann.

Si l'Opération Lazlo se déroule sous le signe du réalisme, l'évolution psychologique des trois principaux personnages[...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris, critique de cinéma

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