LA VIE DU BUSCÓN, Francisco de Quevedo y Villegas Fiche de lecture

Caricature et parodie

Outre la cocasserie ou la brutalité des scènes, ce qui caractérise ce récit est l'amertume ou la désillusion sans merci du ton qu'emploie le narrateur. Les traits des personnages sont exacerbés de façon démesurée et grotesque. Le portrait du licencié Cabra, d'une ladrerie sans égale, est, à cet égard, un morceau d'anthologie : « C'était un prêtre sarbacane, dont seule la taille était généreuse ; la tête petite, le cheveu rouge (c'est tout dire) ; la barbe décolorée par peur de la bouche voisine qui, famélique, paraissait menacée de l'engloutir ; une pomme d'Adam si saillante qu'elle semblait vouloir sortir poussée par la nécessité, pour chercher à manger ; la barbe longue, qu'il ne coupait jamais pour éviter la dépense. »

Farces violentes ou scatologiques, sévices et raclées, quolibets obscènes, plaisanteries truculentes, tout cela se succède à un rythme effréné, dans une mise en scène tragique ou ridicule, toujours haute en couleur. Tous les éléments du genre picaresque sont ici présents : récit autobiographique d'un protagoniste de basse extraction entrant successivement au service de différents maîtres, succession de mésaventures, effets réalistes et traits constants de satire sociale. Mais l'originalité de ce roman tient surtout à son écriture. La langue inventive et expressive, multiplie, à jet continu, les expressions équivoques, comiques ou burlesques. Virtuose des jeux de mots, des calembours ou des calembredaines, l'auteur semble jongler avec les métaphores et les hyperboles, donnant à ce récit, chef-d'œuvre de création verbale, un style inimitable, qui tient autant de la parodie que de la caricature