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LADY CHATTERLEY (P. Ferran)

Au cours des années 1920, David Herbert Lawrence compose trois versions successives d'un grand roman dont la dernière version est publiée en Angleterre en 1928 sous le titre de L'Amant deLady Chatterley. Le sujet en est bien connu : sir Clifford Chatterley étant devenu impuissant à la suite d'une blessure de guerre, son épouse, Constance Chatterley, trouve son épanouissement sexuel dans une relation amoureuse avec le garde-chasse du château de Wragby. Le film de Pascale Ferran (sorti en 2006) transpose remarquablement non la troisième version, mais la deuxième, souvent ignorée, intitulée Lady Chatterley et l'homme des bois.

Dans un récit de facture classique, ample (deux heures et demie de projection) mais toujours dense, scindé par des intertitres qui rappellent les « cartons » du cinéma muet, la beauté et la puissance de suggestion de ce film d'inspiration romanesque naissent de l'art avec lequel Pascale Ferran représente le désir. Dans la relation entre Constance (Marina Hands) et Parkin (Jean-Louis Coulloc'h), le garde-chasse, elle nous suggère l'union de la sexualité et du sentiment, le cheminement du corps vers le cœur. Autour du château, présentés en magnifiques plans d'ensemble, la nature et le règne végétal – l'étang, l'eau de la rivière, les fleurs (les pivoines jaunes), la forêt maintes fois traversée par Constance – vivent intensément sous nos yeux. Cet épanouissement de la nature apparaît comme la métaphore d'un élan vital, en harmonie avec la passion qui rapproche et unit les deux amants. Vêtues de leurs couleurs habituelles (les teintes fauves de l'automne, le blanc de la neige, le vert des arbres et des champs), les saisons transforment les paysages, rythment l'évolution psychologique et la métamorphose intérieure de Constance : la mélancolie en automne, la dépression et la grande fatigue pendant l'hiver, l'éveil des sens au printemps, l'accomplissement du désir au cours de l'été.

Le récit de Lady Chatterley met d'abord en relief les corps. Celui de Constance, mince et élancé, s'oppose à celui de Parkin, trapu et massif, qui reflète dans une certaine mesure la différence de classe sociale que la rencontre de deux désirs va abolir progressivement. Au début du film, le regard de Constance sur sa nudité, réfléchie par le grand miroir de la chambre à coucher, exprime l'insatisfaction. Quand elle traverse la forêt et, pour la première fois, s'approche de la cabane où vit Parkin, la jeune femme, chargée de remettre un message de son mari, voit le garde-chasse occupé à laver minutieusement son torse nu. À cet instant, son regard trahit un intense questionnement. Par opposition à celui de son mari, il existe donc des corps heureux, pense Constance. Le sien ne l'est pas, car il n'est pas comblé. La sensation d'une pulsion sexuelle lui signifie qu'elle souhaiterait qu'il le soit. Peu de temps après, au cours d'une autre séquence, caché par une longue robe, le corps de Constance, endormie sur le seuil de la cabane, attire l'attention de Parkin, dont le regard traduit à la fois la perception d'une solitude et la montée du désir.

Au cours des premières étreintes, les vêtements masquent toujours les corps. Sans se dévêtir, le garde-chasse enlève seulement les bas de Constance, allongée contre lui, frôlant un sein et les jambes par des caresses. Dans la forêt, alors que Parkin est adossé à un arbre, c'est toujours revêtue de sa longue robe que la jeune femme ressent son premier orgasme, assise sur le corps de son amant. D'abord cachés, les corps sont peu à peu dépouillés de leurs vêtements et apprennent à « se toucher », à se connaître. Par les cadrages de ces corps dénudés, au contact l'un de l'autre, le découpage des plans et les éclairages de la cabane, lieu de l'épanouissement sexuel, Pascale[...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris, critique de cinéma

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