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LADY MACBETH DE MZENSK (D. Chostakovitch)

À l'automne de 1930, Dmitri Chostakovitch s'attelle à la composition d'un opéra en quatre actes sur un livret qu'il a élaboré avec le dramaturge Alexandre Preis d'après un court récit de Nikolaï Semenovitch Leskov Lady Macbeth du district de Mzensk (Ledi Makbet Mtsenskogo uyezda, 1865). L'opéra est une peinture sombre de l'ennui dans la province russe et de la condition pénitentiaire tsariste : une jeune femme, Katerina Ismaïlova, déçue par son mari, le trompe avec Sergueï, assassine son beau-père puis son mari, est condamnée au bagne avec son amant ; sur le chemin de la Sibérie, Sergueï trompe Katerina avec une autre prisonnière ; folle de jalousie, Katerina attire sa rivale sur les berges d'un fleuve dans l'intention de la noyer mais les deux femmes tombent à l'eau et périssent ensemble.

Lady Macbeth de Mzensk est créé le 22 janvier 1934 au Théâtre Maly de Leningrad, dans une mise en scène de Nikolaï Smolitch, et représenté deux jours plus tard à Moscou, au théâtre Stanislavski Nemirovitch-Dantchenko, dans une mise en scène de Vladimir Nemirovitch-Dantchenko, sous le titre Katerina Ismaïlova. Ces deux titres reflètent deux conceptions différentes de la mise en scène : celle de Leningrad met l'accent sur l'aspect satirique de l'œuvre alors que celle de Moscou est centrée sur la nature tragique du personnage de Katerina. Mêlant le grotesque et le tragique, intégrant des idiomes musicaux très diversifiés, l'opéra s'affirme immédiatement comme une des grandes partitions lyriques du xxe siècle et connaît un immense succès auprès du public et de la critique : il sera représenté presque deux cents fois au Maly, au Nemirovitch-Dantchenko et au Bolchoï, jusqu'à la publication dans la Pravda du 28 janvier 1936 d'un article anonyme, « Le Chaos remplace la musique », qui attaque violemment le compositeur et son ouvrage : Staline, Molotov, Mikoyan et Jdanov, qui avaient assisté le 26 janvier à une représentation de Lady Macbeth de Mzensk au Bolchoï, étaient sortis outrés. Il ne fait pratiquement aucun doute que Staline lui-même a participé à la rédaction de l'article, qui souligne la « lubricité », le « chaos gauchiste » et le « formalisme petit-bourgeois » allant à l'encontre de « ce que le public soviétique attend et cherche dans la musique » de Lady Macbeth, qui va disparaître brutalement des scènes soviétiques durant trois décennies.

— Juliette GARRIGUES

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Écrit par

  • : musicologue, analyste, cheffe de chœur diplômée du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, chargée de cours à Columbia University, New York (États-Unis)

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