LAGOS
Une ville aux héritages multiples
Ces fonctions métropolitaines sont un héritage de l'époque coloniale qui a fait de Lagos, une fois les contraintes de son vaste site lagunaire maîtrisées, un maillon logistique essentiel des économies de traite (dont le commerce des esclaves). La ville a donc été fortement insérée dans les réseaux maritimes et commerciaux de la fin du xviiie siècle. Située sur deux îles, Iddo et Eko, la ville précoloniale, ceinte de palissades en bois, était déjà une importante ville frontalière du royaume du Bénin et du pays yoruba, alors structurés autour de villes continentales. Elle était dirigée par un Oba (roi yoruba), dont le rôle fut important dans sa destinée et qui, aujourd'hui encore, conserve une certaine influence même s'il n'a plus de pouvoir.
Sur le plan architectural et urbanistique, Lagos a connu, avec les premiers grands marchands européens, une forte influence portugaise, dont l'importance est encore aujourd'hui attestée (arcades, tuiles...). Cette influence fut renforcée avec l'arrivée, au milieu du xixe siècle, d'anciens esclaves brésiliens (ils représentaient presque 9 p. 100 de la population de la ville vers 1880) : le style « brésilien », reconnaissable à la finesse du détail (motifs floraux sculptés dans le plâtre), participe ainsi également à l'originalité du paysage bâti. La colonisation britannique commença dès la seconde moitié du xixe siècle, avec la création de la colonie de Lagos en 1861, et s'étendit, en 1914, à l'ensemble du Nigeria. Elle imprima également sa marque à la ville, alors devenue la capitale. Outre la construction de bâtiments administratifs, des normes urbanistiques nouvelles furent imposées, inspirées des pratiques hygiénistes et sécuritaires mises en œuvre dans les villes européennes : voirie élargie, îlots et blocs d'habitations non contigus... Dans le même temps, les principes de la ségrégation raciale se traduisirent concrètement par une répartition stricte de la population et la mise en place de quartiers ethniques, séparant les Blancs des Noirs mais aussi les populations africaines de différentes origines : la planification urbaine se mettait au service du système colonial et offrait une réponse aux sentiments d'insécurité de la majeure partie des colons.
Ces influences coloniales multiples sont encore visibles dans la morphologie et les paysages urbains, en particulier dans le centre de l'agglomération. Elles ne permettent toutefois plus de rendre compte, dans leur globalité, des paysages de la ville contemporaine. Étendue, celle-ci présente de saisissants contrastes : entre un plan quadrillé et une ville aux tracés moins ordonnés, moins planifiés a priori ; entre un centre très dense et des périphéries qui ne le sont pas ; entre un patrimoine urbain marqué par un héritage colonial plus ou moins dégradé et une très grande diversité de constructions contemporaines, telles que les immeubles climatisés du centre des affaires de Lagos Island, les hôtels internationaux d'Ikoyi Island, les villas des gated communities de Victoria Island et les maisons en bois et en tôle des quartiers d'habitat précaire, comme à Ajegunle.
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Écrit par
- Jean-Fabien STECK : maître de conférences en géographie à l'université de Paris-X-Nanterre
Classification
Médias
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