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LAGOS

Une ville en crise ?

Parfois qualifiée de « monstre urbain », Lagos est souvent associée à l'idée – discutable – selon laquelle une grande ville africaine multimillionnaire serait ingérable, ingouvernable et, ce faisant, invivable. Il est vrai qu'elle cumule les difficultés et les handicaps, tels qu'une croissance démographique importante et rapide ; un site lagunaire malcommode face à l'étalement urbain à la fois sur le plateau continental, les îles et le lido ; une pauvreté majoritaire, même si les Lagosiens sont statistiquement moins pauvres que la moyenne nationale ; et les problèmes de la corruption et de l'insécurité liés à une réelle compétition métropolitaine engagée au niveau continental, ou tout au moins dans l'Ouest africain. Il faut ajouter à cela un mode de fonctionnement fragmenté dans un contexte de disette budgétaire et de privatisation sectorielle de la gestion urbaine. Outre l'État de Lagos, seize local government areas, autonomes les unes par rapport aux autres, et aux intérêts parfois divergents, se partagent le pouvoir sans soucis de cohérence, alors même que l'aire métropolitaine n'est qu'un cadre statistique – qui plus est en partie dépassé –, sans valeur administrative et gestionnaire.

La pauvreté de l'immense majorité des habitants, leurs difficultés à trouver une offre de biens et de services adaptée à leurs besoins, et les lacunes des pouvoirs publics locaux font de l'informalité un mode de fonctionnement indispensable à la ville. Les activités dites informelles (logement, transports, eau, ramassage des déchets...) sont plus facilement accessibles au plus grand nombre et elles contribuent à l'emploi urbain (près des trois quarts de la population active de Lagos).

L'insécurité et la violence, autres lieux communs de la ville, sont, au-delà des représentations et des fantasmes, des fléaux omniprésents et récurrents. Le développement d'un urbanisme sécuritaire (hautes clôtures, fermeture et contrôle de certains espaces publics) et d'une privatisation de la sécurité (sociétés spécialisées et des groupements d'autodéfense) illustre l'incapacité des autorités à contrôler leur ville.

La rue de Lagos, souvent dépeinte dans de nombreuses œuvres d'art (littéraires, picturales, musicales) ayant la ville pour objet, est un lieu emblématique de cette crise urbaine : axe de circulation indispensable et support foncier pour de nombreux usages, notamment marchands, elle attire l'attention et, en même temps qu'elle apparaît comme un espace peu sécurisé et corrompu, concentre les conflits de gestion. Les go-slow (embouteillages) illustrent l'encombrement extrême des rues de la ville, en particulier dans les quartiers centraux et sur les ponts. Ils sont surtout le résultat d'une politique peu efficace de transports publics qui a laissé le champ libre, sans aucune régulation, aux voitures individuelles et, surtout, aux minibus et taxis informels. Cette forte affluence dans la rue est également la conséquence du développement tout aussi informel des activités marchandes, artisanales, commerciales et de service. Enfin, la rue n'a pas été conçue pour le piéton alors que la population est très peu motorisée.

Si cette situation, que l'on retrouve à des degrés divers dans de nombreuses villes du continent, est le révélateur non assumé de choix politiques, gestionnaires et régulateurs peu appropriés, mal engagés et mal conduits, il convient toutefois de les analyser avec discernement : sans catastrophisme car, malgré ses dysfonctionnements, Lagos est une métropole qui compte et qui attire ; et sans esthétisme du chaos, comme l'architecte néerlandais Rem Koolhaas qui la considère comme un « paradigme de la modernité mondialisante » (The Harvard Project on the City, 2000) en négligeant[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences en géographie à l'université de Paris-X-Nanterre

Classification

Médias

Nigeria : carte administrative - crédits : Encyclopædia Universalis France

Nigeria : carte administrative

Lagos (Nigeria) - crédits : Olasunkanmi ariyo/ Getty Images

Lagos (Nigeria)

Autres références

  • FELA FELA RANSOME-KUTI, dit (1938-1997)

    • Écrit par
    • 620 mots

    Le parcours du Nigérian Fela, tout à la fois, chanteur, saxophoniste, pianiste, militant du panafricanisme, adversaire inlassable des régimes militaires et provocateur de tous les instants, est contenu dans son histoire familiale. Fela Ransome-Kuti est né le 15 octobre 1938 à Abeokuta, capitale de...

  • NIGERIA

    • Écrit par et
    • 11 718 mots
    • 18 médias
    ...des traités visant à l'abandon de cette pratique. L'interventionnisme croissant des représentants de la Couronne aboutit à la création de la colonie de Lagos en 1861. La Grande-Bretagne acquiert ainsi la mainmise sur le commerce avec l'hinterland yorouba ; dans l'est du Nigeria, la situation de monopole...