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KASSÁK LAJOS (1887-1967)

L'homme des commencements, et de la fidélité à ses choix, le représentant, à lui seul, des différentes tendances de la « modernité » dans la littérature magyare du xxe siècle, l'homme fier, en butte aux attaques les plus diverses, Lajos Kassák se dresse au sein des lettres hongroises, conscience sans faille autant qu'irremplaçable.

Cet ancien serrurier, qui parle avec une évidence, une force et une sincérité jamais entendues auparavant en Hongrie, du monde du travail, de l'ouvrier, des usines, de la ville industrielle et de ses tristes banlieues, avait de quoi effrayer le bourgeois ; mais le penseur qui proclamait l'indépendance et la valeur universelle de l'art et proposait, à la place de la force et de la lutte violente des classes, la transformation de l'homme par l'ascèse et par une éducation spirituelle, pouvait paraître un idéaliste, un anarchiste aux yeux des doctrinaires. Cependant, le véritable scandale, et les mérites de Kassák, tiennent plutôt, par-delà tel ou tel thème, tel ou tel parti pris idéologique, au rôle qu'il a joué par l'intégration précoce des courants modernistes de la littérature, et, parfois, des arts européens.

Action ouvrière et recherche esthétique

Né à Érsekújvár dans un milieu ouvrier, Lajos Kassák est le type même de l'autodidacte. Pur et puritain, têtu et intraitable, injuste parfois mais toujours sincère, méprisant à l'égard des sectaires et didactique avec tous, il a dû forger ses armes dans une lutte de toute une vie, marquée par des perquisitions, des procès, des internements, par l'exil, par l'incompréhension des ricaneurs comme des fins lettrés, et par les campagnes de dénigrement menées aussi bien par la droite que par la gauche, au nom du bon sens, de la paix sociale, du sentiment patriotique, du purisme linguistique ou, au contraire, des intérêts de la classe ouvrière, incarnée dans le parti communiste.

Entre 1910 et 1925, Kassák a su capter le message du futurisme, de l'activisme, de l'expressionnisme russe, et surtout germanique, du simultanéisme, du dadaïsme, du constructivisme ; et si, rationaliste farouche, il fut moins sensible à l'onirisme du surréalisme, les formes proposées par la Nouvelle Objectivité ont toutefois éveillé sa curiosité. La grandeur de Kassák (et la misère des lettres magyares) est d'avoir non seulement su mais dû tâter de tous ces courants successivement et de les avoir amalgamés en un « isme synthétique », un « modernisme » éclectique, sauvé toutefois par la sincérité et par des accents personnels assez forts ; diffusé par les mouvements qu'il a suscités, ce modernisme a influencé pour une période plus ou moins longue les meilleurs poètes de la génération suivante : G. Illyés, A. József, M. Radnóti. Et c'est encore à cet homme qu'il incomba de réaliser une synthèse d'une autre sorte, entre les arts plastiques et la littérature. En effet, Kassák, tout au long de sa vie, s'intéressa à toutes les manifestations de l'art, et particulièrement à la peinture qu'il pratiquait avec bonheur lui-même, à tel point que les tableaux à la fois géométriques et abstraits de cet ami de Moholy-Nagy et d'un des maîtres de Vasarely, ces œuvres inspirées de la Bildarchitektur font très bonne figure à côté de celles de C. Malévitch, d'El Lissitzky ou de la production de De Stilj.

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  • AVANT-GARDE EST-EUROPÉENNE

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    En 1915 parut à Budapest le premier numéro de la revue A Tett (L'Action), dont le rédacteur en chef était Lajos Kassák (1887-1967). La revue, surtout politique, affichait d'une part une attitude pacifiste, seule légitime du point de vue social et éthique, et favorisait d'autre part l'anarchisme....