LAMARCK JEAN-BAPTISTE DE MONET chevalier DE (1744-1829)
Plus que tout autre, et peut-être dans la mesure même où il fut passionnément contesté, Lamarck doit être considéré comme le fondateur de la biologie. Avant de proposer, en 1802, de désigner sous ce nom la science des êtres vivants, il s'était en effet attaché à en délimiter les contours et à en dégager les lois générales.
Reprenant à son compte la conception linnéenne des trois règnes superposés (lapides crescunt, vegetabilia crescunt et vivunt, animalia crescunt, vivunt et sentiunt), il insiste, après J. F. Gmelin et C. Bonnet, sur l'opposition radicale entre l'inorganique et l'organique. En soulignant l'unité profonde de l'organique, Lamarck dégageait la notion de l'unité de la vie : « L'état, dit-il, où nous voyons tous les animaux est le produit de la composition croissante de l'organisation qui tend à former une gradation régulière. » Cette conception d'une tendance de la vie vers la complexification croissante et le perfectionnement est au cœur de la pensée lamarckienne. Elle se trouve tempérée par l'idée que le dynamisme vital est soumis aux « influences d'une multitude de circonstances très différentes qui tendent continuellement à détruire la gradation de la composition croissante de l'organisation ». C'est pourquoi le non-usage imposera aux organismes la perte, transmise héréditairement, de tel organe ou de telle fonction.
En posant en principe que l'évolution biologique se trouve ainsi conduite par le conflit de forces organisatrices et de forces désorganisatrices – ou déviatrices –, Lamarck mettait en lumière ce qui, depuis, est resté le problème central de la biologie.
Une vocation imprévue
Jean-Baptiste Pierre Antoine de Monet, chevalier de Lamarck, naquit le 1er aôut 1744 à Bazentin-le-Petit (Somme) ; il quitta le collège de Jésuites d'Amiens dès la mort de son père, en 1760, pour prendre rang dans l'armée ; mais il dut très vite, à la suite d'un accident, renoncer au métier des armes.
Pendant quatre ans, ne disposant que d'une maigre pension complétée par un appointement de petit employé de banque, Lamarck poursuivit à Paris des études médicales et songea même, pour un temps, à une carrière musicale. Sa rencontre fortuite et ses herborisations avec Rousseau le décidèrent, à vingt-quatre ans, à se consacrer à des travaux botaniques. Il publia, en 1778, une Flore française qui lui valut une gloire immédiate, concrétisée l'année suivante par son élection, à trente-cinq ans, à l'Académie des sciences.
Devenu botaniste du Roi, en 1781, il est chargé, peu après, des humbles fonctions de conservateur de l'herbarium des Jardins royaux ; mais il exerça, en dépit de sa position subalterne, une grande influence sur les décisions de la Convention, lors de la fondation du Muséum national d'histoire naturelle (1793).
Une œuvre monumentale
Lamarck accomplit alors une conversion extraordinaire, qui devait avoir des conséquences considérables ; à cinquante ans, il devint professeur de zoologie au Muséum, chargé d'enseigner la zoologie des Invertébrés, ce qui était une tâche difficile, compte tenu des connaissances de l'époque. E. Geoffroy Saint-Hilaire occupait, pour sa part, la chaire des Vertébrés. Le labeur colossal qu'il accomplit le conduisit à publier en 1801 la première édition du Système des animaux sans vertèbres. Enfin, malgré ses difficultés pécuniaires, Lamarck réussit, par son travail et ses méditations, à formuler la première théorie de l'évolution organique dans la Philosophie zoologique (1809), dont la rédaction laborieuse n'excuse pas le peu de cas qu'en firent ses contemporains.
Critiqué violemment par Cuvier qui lui reproche de construire « de vastes édifices sur des bases imaginaires », souvent raillé, malgré une œuvre considérable,[...]
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Écrit par
- Charles BOCQUET : ancien professeur à la faculté des sciences de Paris, ancien directeur du laboratoire de génétique évolutive et de biométrie du C.N.R.S.
- Pietro CORSI : professeur des Universités, université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
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