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LANCELOT, OU LE CHEVALIER DE LA CHARETTE, Chrétien de Troyes Fiche de lecture

Dans Yvain, ou le Chevalier au lion, écrit entre 1177 et 1181, Chrétien de Troyes (1135 env.-env. 1183) explore sans vraiment les résoudre les tensions entre l'amour conjugal et l'aventure héroïque. Composé parallèlement, Lancelot ou le Chevalier de la charrette transpose en récit l'éthique amoureuse récemment inventée par la lyrique occitane : la nécessité pour l'amant – le troubadour se métamorphose alors en chevalier errant – de se vouer entièrement au service de la dame aimée pour accéder à la « joie » d'amour (en occitan, le mot clé est joy).

La quête d'amour

Parti à la recherche de la reine Guenièvre enlevée par un chevalier venu de l'autre monde, Méléaguant, Lancelot affronte victorieusement une série d'aventures. Presque toutes placées sous le signe du merveilleux, celles-ci le qualifient diversement, au plan de la prouesse chevaleresque, de la parfaite soumission aux exigences de l'amour (épisode initial de la charrette d'infamie, avances amoureuses de la demoiselle entreprenante), et lui confèrent la dimension quasi messianique de libérateur des prisonniers de l'autre monde (épisode du Cimetière futur). Au terme de ses aventures, le chevalier parvient ainsi à libérer Guenièvre et les prisonniers du monde arthurien retenus par Méléaguant et à partager avec la reine la plus parfaite des nuits d'amour : « Lancelot voit à présent tous ses vœux comblés,/ puisque la reine se plaît à avoir/ l'agrément de sa compagnie,/ puisqu'il la tient entre ses bras/ et elle lui entre les siens./ Dans les baisers et les étreintes/ il trouve au jeu un si doux bonheur/ que, sans mentir, il leur advint/ une joie d'une telle merveille/ que d'une pareille encore/ on n'entendit jamais parler. » Mais lorsque Lancelot, après avoir été longuement emprisonné par Méléaguant, revient à la cour d'Arthur et combat à mort son adversaire, rien n'est dit de l'avenir de sa passion adultère, de toute manière condamnée à la clandestinité.

Sans doute à la demande de la comtesse Marie de Champagne qui est, selon le prologue, à l'origine du récit et de son orientation résolument « courtoise », Chrétien, dans ce roman, applique, bien souvent de manière ironique, le code de la fin'amor en l'adaptant aux nécessités romanesques : à la prouesse d'écriture du poète se substitue la prouesse du chevalier, la source commune de ces prouesses étant le désir de prouver et d'éprouver leur « prix », et de mériter ainsi l'inaccessible objet de leur quête. Du moins le chevalier parvient-il, pour une nuit, à satisfaire sa passion.

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Écrit par

  • : professeure de littérature française à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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