LAND ART
Land art
Travailler dans un environnement naturel ne signifie pas ipso facto faire du land art, comme on a trop souvent tendance à le croire aujourd'hui. Le land art est un mouvement historique né à la fin des années 1960 qui hérite souvent d'une esthétique minimaliste et qui, lié à une certaine compréhension du site, est caractérisé par l'utilisation de matériaux naturels, la terre et ses dérivés.
Parmi ces land artists, certains s'intéressent prioritairement à ces matériaux comme Michael Heizer, pour qui les déserts de l'Ouest permettent de faire des œuvres de grande taille en travaillant avec des masses considérables. D'autres voient dans la nature le prolongement des galeries – Robert Smithson avec ses non-sites ou Dennis Oppenheim qui a reporté les limites de certains espaces d'exposition sur des espaces naturels plus ou moins reculés (galeries transplant). D'autres encore y trouvent l'occasion d'une expérience possible du sublime – Walter De Maria – ou encore le lieu d'une pratique quasi rituelle à travers la marche dans le paysage dont l'œuvre exposée sous forme de photographies, cartes, textes, alignements de pierres ou cercles de branchages n'est que le reliquat (Richard Long ou Hamish Fulton). Mais ce peut être aussi une nouvelle façon d'explorer les phénomènes de la perception et de la lumière (Nancy Holt avec ses Locatorsen 1972 ou ses Sun Tunnels en 1973-1976) ou de produire des œuvres monumentales, spécifiques à leurs sites comme le Double Negative (1969-1970) de Heizer à Mormon Mesa dans le Nevada, ou la Spiral Jetty (1970) de Smithson à Rozel Point, Grand Lac Salé, dans l'Utah.
Il ressort de tout cela que divers scénarios sont possibles pour penser un ensemble de pratiques artistiques qui se recoupent par bien des aspects et dont la dénomination dépend de la façon dont on privilégie tel ou tel de ces aspects. Des artistes environnementalistes, comme Christo et Jeanne-Claude[Running Fence, Sonoma et Marin, 1972-1976, par exemple] et certains qui se trouvent impliqués dans des stratégies paysagères comme Patricia Johanson[Fair Park Lagoon, Dallas, Texas, 1981] ou dans des opérations de land reclamation comme Mierle Laderman Ukeles, contribuent à nous rendre sensibles au milieu naturel que nous construisons et où nous vivons. Reste que le scénario le plus connu aujourd'hui est celui qui porte le nom de land art. Il est la résultante d'un certain nombre de paramètres que nous venons d'évoquer, mais qui sont en même temps surdéterminés par un rapport privilégié à la terre, conçue à la fois comme matériau et comme surface d'inscription. À quoi il convient d'ajouter la dimension, d'une part, historique du phénomène – le fait que ces artistes, tout en héritant de certaines pratiques de la décennie précédente, engagent un dialogue polémique avec le modernisme tel que l'a formulé Clement Greenberg – et, d'autre part, géographique – le caractère d'abord américain de cet art auquel les déserts de l'Ouest, en particulier, offrent des possibilités plastiques pour des projets impressionnants dont la réalisation suppose parfois des moyens économiques sans commune mesure avec ce qu'il est alors possible de faire en Europe.
L'exposition Earthworks, avec Carl Andre, Robert Smithson, Dennis Oppenheim, Robert Morris, Michael Heizer, Claes Oldenbourg, Stephen Kaltenbach, Charles Ross et Herbert Bayer, ouvre en 1968 à la Dwan Gallery de New York. C'est le coup d'envoi d'un phénomène apparu dès la fin de l'année précédente, mais qui acquiert dès lors une large visibilité. L'exposition et le symposium Earth Art auront lieu l'année suivante à Ithaca, au White Museum. On y retrouve Morris, Oppenheim et Smithson, les autres artistes présentés étant Neil Jenny, David Medalla, [...]
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Écrit par
- Gilles A. TIBERGHIEN : agrégé de philosophie, docteur en philosophie, maître de conférences à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
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