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LANFRANC (1005 env.-1089)

Moine bénédictin, écolâtre en Normandie, puis abbé, contemporain de Bérenger, auquel il s'opposa, Lanfranc fut aussi maître de saint Anselme, conseiller du duc Guillaume le Bâtard, archevêque de Canterbury après la conquête de l'Angleterre. Après de solides études libérales, il s'initie à la science des lois, à Pavie, où il est né, puis passe les Alpes, devient maître à l'école d'Avranches et entre, vers 1042, à l'abbaye du Bec, récemment fondée par Herlouin (ou Hellouin). Devenu prieur, il y constitue une école bientôt fameuse, où il fait partager son étude de l'Écriture sainte à de nombreux élèves venus de toute l'Europe, parmi lesquels Anselme de Baggio (le futur Alexandre II), Anselme d'Aoste, Yves de Chartres. Les débuts de l'hérésie de Bérenger de Tours, vers 1048, le font entrer dans le combat que mènent maints spirituels et hommes d'Église contre le mésusage de l'art dialectique dans les questions sacrées. En 1050, compromis par un billet de Bérenger, il a à justifier sa foi, à Rome, au premier concile qui condamne Bérenger sur l'Eucharistie. Il participe aux débats du concile de Verceil, la même année, et de celui de Tours en 1055. Certaines remarques de ses Commentaires sur saint Paul attestent sa méfiance envers une logique qui n'est point modelée sur les exigences de l'intelligence de la foi. Il approuve cependant que les enseignements de la foi soient confirmés par des « raisons » ; il en donne un exemple dans sa réfutation de Bérenger, de 1066 environ, intitulée plus tard De corpore et sanguine Domini, mais sans élucider la distinction qu'il maintient entre ce qui est « autorité » et ce qui est « raison ». En fait, la souplesse de son esprit s'arrange pour maintenir la dialectique dans une dépendance difficile tout en confirmant sa validité. « Je dissimule l'art (tego artem), dit-il, pour ne pas paraître m'y fier plus qu'à la vérité et à l'autorité des saints Pères. » Il affronte ainsi avec plus de prudence que de netteté (l'audace d'Anselme l'inquiétera) le principal problème de son temps dans l'ordre de la pensée : l'adaptation de la logique grecque, transmise par l'école, aux tâches de l'intelligence de la foi. Il est d'autant moins à même de le résoudre que des tâches d'administration envahissent progressivement sa vie.

Élu, en 1059, abbé du Bec, et déjà l'un des principaux conseillers du duc de Normandie, il subit d'abord l'exil pour avoir condamné l'union du duc avec Mathilde de Flandre, puis obtient de Nicolas II une dispense et la levée de l'interdit. Il doit diriger, en 1066, la nouvelle abbaye de Saint-Étienne de Caen et, après avoir refusé, l'année suivante, l'archevêché de Rouen, il accepte le siège de Canterbury, où il est sacré le 29 août 1070. Malgré des conflits presque incessants avec le roi, notamment sur les investitures, il entreprend une vaste réforme de l'Église d'Angleterre, désormais placée sous un épiscopat normand : de nombreux synodes renforcent le célibat des prêtres, codifient la vie canoniale, suppriment maintes traditions locales ; des hospices et des écoles sont créés. En 1071, Lanfranc reçoit, à Rome, le pallium, des mains de son ancien élève du Bec, le pape Alexandre II. Il couronne roi d'Angleterre, en 1087, le second fils de Guillaume le Conquérant, Rufus (Guillaume le Roux), à Westminster, et connaît bientôt de graves conflits avec ce nouveau roi. Il meurt à Canterbury.

— André CANTIN

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