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LANGLANDS ROBERT (1936- )

Le prix Abel 2018 décerné par l’Académie norvégienne des sciences et des lettres, qui depuis 2003 récompense un mathématicien dont les « contributions sont reconnues comme extraordinairement profondes et influentes pour les sciences mathématiques », a couronné le Canadien Robert Phelan Langlands pour son « programme visionnaire reliant la théorie des représentations des groupes à la théorie des nombres ».

Langlands est né le 6 octobre 1936 à New Westminster, une petite ville proche de Vancouver dans la province canadienne de Colombie-Britannique. Fils d’un menuisier-charpentier, il explique avec humour qu’après avoir essayé dans son enfance de travailler avec son père il s’aperçut qu’il n’était pas doué pour la menuiserie et qu’il lui fallait donc trouver une autre profession. À la fin de ses études secondaires, bien que très peu motivé sur le plan scolaire, il se laisse convaincre par un professeur de s’inscrire à l’Université. Hésitant sur le domaine, il consulte un conseiller pédagogique qui lui fait passer des tests puis lui conseille de devenir actuaire dans une compagnie d’assurances ou… de passer un doctorat en mathématiques. Langlands opte pour la seconde voie et fait ses études universitaires à l’université de Colombie-Britannique à Vancouver (Canada) avant de préparer son doctorat à l’université Yale, à New Haven dans le Connecticut (États-Unis) sous la direction du mathématicien Cassius Tulcea, récemment émigré de Roumanie. Il soutient en 1960 sa thèse intitulée Semi-groupes et représentations des groupes de Lie. Il devient alors chargé de cours à l’université de Princeton (New Jersey), puis professeur à l’université Yale en 1967. Après des séjours d’une année à Berkeley (Californie), Ankara (Turquie) puis Bonn (Allemagne), il est nommé en 1972 professeur au prestigieux Institute for Advanced Study de Princeton. En 2007, il y est professeur émérite.

Après sa thèse, Langlands s’intéresse aux formes automorphes, qui sont des fonctions appliquant un groupe topologique sur l’ensemble des nombres complexes en respectant certaines contraintes. Ces objets qui généralisent les fonctions numériques périodiques ont été introduits par Henri Poincaré comme des extensions des fonctions trigonométriques. En 1963, Langlands publie dans l’American Journal of Mathematicsune formule permettant de calculer la dimension de certains espaces de formes automorphes. Il démontre ensuite des résultats cruciaux concernant les « séries d’Eisenstein », des fonctions analytiques introduites par le mathématicien allemand Ferdinand Gotthold Eisenstein (1823-1852) et qui ont la particularité qu’on peut écrire explicitement leur développement en série de Fourier. Cela lui permet de prouver une conjecture d’André Weil, fameux algébriste français, professeur à l’Institute for Advanced Study de Princeton, concernant la théorie des nombres.

C’est dans ce contexte que Langlands, alors âgé de trente et un ans, envoie en janvier 1967 une lettre manuscrite de dix-sept pages à André Weil pour lui soumettre ce qu’il est maintenant convenu d’appeler le « programme de Langlands ». Il s’agit d’un tissu de conjectures – certaines précises, d’autres un peu floues – jetant des ponts entre l’algèbre et l’analyse, plus précisément entre la théorie des nombres, la théorie des formes automorphes et la théorie des représentations des groupes. Si la théorie des nombres étudie d’abord les structures cachées dans l’ensemble des nombres entiers, la théorie des représentations de groupes s’attache plutôt à comprendre les symétries, ces opérations qui laissent inchangés des objets mathématiques parfois très abstraits. En accompagnement de sa lettre, Langlands reconnaît qu’« elle ne contient aucune assertion dont il est certain » et propose à Weil, s’il n’est pas intéressé par ces « pures spéculations », de la jeter au panier.[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau

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