HUGHES LANGSTON (1902-1967)
Phénomène littéraire en quelque sorte, Langston Hughes l'est non seulement parce qu'il a pratiqué tous les genres, y compris la comédie musicale, mais parce qu'il est l'un des premiers Noirs américains à avoir vécu de sa plume et, sans conteste, celui qui a le plus œuvré pour faire connaître les productions culturelles de ses congénères du monde entier par ses recueils, anthologies, traductions, articles et contacts personnels.
Sa production littéraire représente l'aspect essentiel des activités de cet infatigable militant dont témoignent deux autobiographies, The Big Sea (1940 ; Les Grandes Profondeurs, 1946) et I Wonder as I Wander (1956 ; « Plus je bouge, plus je m'interroge »). Cette œuvre reflète assez fidèlement le statut changeant de la communauté noire, ses richesses et ses difficultés. Elle s'applique surtout à revaloriser et à mettre en pratique l'héritage de l'oralité et du folklore : blues, jazz, ballades, parler du peuple ; elle emprunte plus volontiers ses thèmes et ses personnages à l'univers de la rue qu'aux milieux de la bourgeoisie noire.
Hughes naquit à Joplin, dans le Missouri, le 1er février 1902 ; sa petite enfance se déroula dans une demi-douzaine de villes du Middle West et il quitta le collège en 1916. Cinq ans plus tard, il entrait à l'Université et publiait son premier poème, le célèbre Le Noir parle des fleuves, dans la revue The Crisis. Il devait voyager quatre ans en Europe et en Afrique avant de remporter les prix de poésie, dont celui d'Opportunity en 1925, et de publier les recueils qui consacrèrent sa réputation de poète majeur de la renaissance de Harlem : The Weary Blues (1926 ; « Les Blues du désespoir ») et Fine Clothes to the Jew (1927 ; « De beaux habits au clou »).
Homme de gauche, Hughes milita pendant la crise économique non seulement en faveur des Noirs faussement accusés de viol à Scottsboro (sa pièce sur ce thème tint longtemps l'affiche), mais contre l'exploitation capitaliste, le franquisme et le fascisme. Ses sympathies communistes (il avait visité l'U.R.S.S.) lui valurent d'affronter la Commission sur les activités anti-américaines lors de la chasse aux sorcières du maccarthysme. Pourtant, dès les années cinquante, son gouvernement ne répugna pas à l'envoyer auprès des groupes de la diaspora noire comme officieux ambassadeur culturel. Il participa ainsi l'année précédant sa mort au festival de Dakar.
Hughes se consacra durant les années trente au théâtre de protestation avec Don't You Want to Be Free (1938 ; « Ne voulez-vous pas être libre ») ou Mulatto (1935 ; « Le Mulâtre ») avant de s'essayer à la comédie musicale avec Simply Heavenly (1959 ; « Tout simplement divin ») et Tambourines to Glory (1958 ; « Les Tambourins du salut »). Sa production poétique, elle, est demeurée constante. En 1949, dans One-Way Ticket (« Aller simple »), il s'élève contre le lynchage ; Montage of a Dream Differred (1951 ; « Montage d'un rêve reporté ») et Ask Your Mama (1961 ; « Demande à ta mère »), où il emploie une technique de « jam session » sur des thèmes harlémiens, représentent le point extrême de son expérimentation, tandis que The Panther and the Lash (« La Panthère et le fouet ») le montrent, l'année de sa mort, toujours engagé politiquement.
Davantage que son roman Not without Laughter (1930 ; Sandy, 1934) qui traite avec tendresse et réalisme d'une enfance noire, ses nouvelles, recueillies surtout dans The Ways of White Folk (1934 ; Histoires de Blancs, 1946) et dans les quatre volumes consacrés à Simple ont valu à Hughes sa réputation de prosateur et d'humoriste. Jesse B. Simple (phonétiquement : sois seulement simple) lui sert, à travers d'innombrables vignettes et sketches, à critiquer la ségrégation, les préjugés sociaux[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Michel FABRE : professeur émérite
Classification
Média
Autres références
-
ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - La littérature
- Écrit par Marc CHÉNETIER , Rachel ERTEL , Yves-Charles GRANDJEAT , Jean-Pierre MARTIN , Pierre-Yves PÉTILLON , Bernard POLI , Claudine RAYNAUD et Jacques ROUBAUD
- 40 118 mots
- 25 médias
...débats sur la fonction de l’art nègre et ses liens avec la culture populaire du Sud, sur la musique traditionnelle, les spirituals, le blues et le jazz. Langston Hughes entre en littérature avec « The Negro Speaks of Rivers » et consacre dans The Weary Blues (1926) le lien viscéral entre poésie et... -
RENAISSANCE DE HARLEM
- Écrit par Encyclopædia Universalis et George HUTCHINSON
- 8 934 mots
...Edna St. Vincent Millay, il considérait que l'héritage poétique anglo-américain lui appartenait autant qu'à n'importe quel Américain blanc de son époque. Dans son manifesteThe Negro Artist and the Racial Mountain (1926, « L'Artiste noir et la montagne raciale »), Langston Hughes professa au contraire, selon...