HINDĪ LANGUE & LITTÉRATURE
La littérature hindī classique, dont l'efflorescence se situe au début du xvie siècle de notre ère, sous le règne des Grands Moghols, est considérable à la fois par sa masse – il s'en faut de beaucoup qu'elle soit encore totalement répertoriée – et par l'influence qu'elle exerce sur le développement de la civilisation indienne jusqu'à l'époque moderne, et en particulier sur l'évolution de l'hindouisme tel qu'il est pratiqué et vécu depuis le xvie siècle.
Quelques grands poètes et quelques grandes œuvres réunissent tous les suffrages et jouissent d'une gloire pan-indienne : ainsi, le roman allégorique et mystique du poète sūfī Muḥammad Jāyasi, la Padmāvat, les distiques et poèmes de Kabīr, les chansons de Sūr-Dās, le Rāmāyan de Tulsī-Dās sont partout chantés, cités et commentés, et alimentent la dévotion populaire. De cette abondante littérature, Kabīr et Sūr-Dās constituent en quelque sorte les deux pôles : l'un, austère pèlerin de l'Absolu, farouche contempteur des religions établies, rejette le monde visible et s'efforce de l'abolir en même temps que son propre moi, dans une expérience intime, ineffable, d'unité ; l'autre, enivré par la flûte de Kṛṣṇa (Krishna), court sur ses traces et contemple dans l'univers entier le reflet merveilleux du grand jeu divin. Entre les deux, un grand peuple vit, pleure, chante et rêve.
Le hindī, devenu progressivement entre le xiiie et le xxe siècle la grande langue commune de l'Union indienne, regroupe 200 millions de locuteurs la reconnaissant comme langue maternelle (recensement de 1981), soit 42 p. 100 de la population indienne. C'est le groupe unilingue le plus important auquel il faut ajouter environ 60 millions de personnes parlant le hindī comme deuxième langue.
La Constitution de 1950 a fait du hindī la langue officielle de l'Union indienne, associée à l'anglais. Dans cinq États (Uttar Pradesh, Madhya Pradesh, Himāchal Pradesh, Bihār, Rājasthān) et deux territoires (Haryānā et Delhi), le hindī est la langue officielle à part entière. Le terme hindī désigne la langue écrite en caractère nāgarī dans laquelle domine le vocabulaire dérivé du sanskrit ou emprunté à cette langue littéraire. L'urdū est le style littéraire dans lequel domine le vocabulaire arabo-persan. Entre ces deux extrêmes, on observe une grande variété de styles en accord avec le sujet traité et le niveau de langue. L' hindustānī représente le niveau courant moyen, donc la langue de communication quotidienne. Porté par l'évolution historique, politique et sociale, le hindī est devenu progressivement à partir du xixe siècle une langue littéraire écrite qui a remplacé les langues régionales (braj, avadhi, maithili, mārwāri), véhicules d'une littérature religieuse et rhétorique.
La rencontre avec les idées occidentales diffusées par l'éducation anglaise, qui se met peu à peu en place entre 1817 (Calcutta Hindu College) et 1850, représente un changement complet d'orientation littéraire. La montée du nationalisme, en particulier du nationalisme hindou, lié à la progression de mouvements réformistes religieux marqués par le syncrétisme religieux hindou-chrétien ou le revivalisme hindou, favorise la création littéraire en prose. L'adoption de genres empruntés à l'Occident tels le roman, la nouvelle, la presse fait entrer la vie sociale dans la littérature et aide à la diffusion des idées nouvelles. La poésie, jusqu'alors chantée et intimement liée à la musique ou bien obéissant aux règles de la poétique sanskrite, se transforme par l'emploi de la langue (hindī) et l'adoption d'une métrique nouvelle.
Le hindī classique
Origine et évolution
Du point de vue linguistique, le hindī est[...]
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Écrit par
- Nicole BALBIR : docteur ès lettres, professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales.
- Charlotte VAUDEVILLE : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle, directeur d'études à l'École pratique des hautes études (IVe section)
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