HINDĪ LANGUE & LITTÉRATURE
Le hindī moderne
Développement et standardisation
Le hindī, terme persan, désigne à l'origine toutes les langues régionales apparentées de la plaine indo-gangétique. En tant qu'expression de la culture hindoue, les musulmans lui donnent aussi le nom de « hindoui » qui est attesté dès le xiie siècle. Au xviie siècle, les voyageurs européens mentionnent l'hindustānī, langue courante généralement écrite en caractères persans. À l'origine, le hindī est une variété de braj appartenant à la zone de transition de Miraṭ. Elle atteste donc l'influence du penjābi qui la délimite à l'ouest. Cette variété est naturellement adoptée pour l'usage courant par les envahisseurs musulmans qui s'installent dans la région dès le xiiie siècle. Elle est, de là, transportée à Delhi et Agrā, les deux grandes capitales des royaumes musulmans successifs. Au contact du persan, langue dominante des musulmans installés en Inde, et du penjābi constamment exporté vers l'Est par la mobilité de cette population très active, cette variété de braj (appelée hindī vernaculaire ou sirhindī) se transforme sur le plan phonétique, morphologique, lexical et syntaxique. Au fur et à mesure que la société urbaine adopte les modes de vie, les goûts et les idées de la cour musulmane, la langue se charge de vocables arabo-persans empruntés aux milieux proches de la cour.
La période de l'empire mogol qui débute avec le règne d'Akbar (1556-1605) voit se former une culture indo-musulmane particulièrement riche. Déjà au xive siècle, la dynastie indépendante Bahamānī installée au Deccan avait adopté le hindī comme langue administrative et adapté l'alphabet persan à sa notation. Un style littéraire par transposition et imitation d'œuvres en persan se forme au Deccan. Il est connu sous le nom de dakkhini hindī ou rekhta (mélangé) et, à partir du xviiie siècle, urdū, terme employé dans le sens de « camp » par Bābar (1526) dans ses mémoires et choisi au xviiie siècle par Sirāj-ud-Din Alī Khān pour désigner le style littéraire basé sur un parler de Delhi nommé urdū-e-muallā, employé par les courtisans.
Au xixe siècle, la situation est la suivante : la littérature, principalement poétique, est écrite soit dans les langues régionales (hindī classique), soit en urdū. La littérature orale en langue courante hindustānī ou dans les diverses langues régionales est liée aux castes inférieures ou aux couches sociales illettrées et ne jouit d'aucun statut littéraire. La langue de cour et de justice restera le persan jusqu'en 1837.
L'installation des missionnaires au Bengale, notamment à Śrīrāmpur (Serampore en anglais) dans le sillage de la East India Company, est un événement important. Ils sont en effet les premiers à introduire l' imprimerie en Inde et à étudier sérieusement les langues vernaculaires, publiant grammaires, dictionnaires et textes. Travaillant dans une plantation d'indigo, le missionnaire baptiste William Carey comprend combien la connaissance des langues parlées par les gens du commun est importante pour la propagation de la foi chrétienne. En 1798, il installe une imprimerie à Śrīrāmpur avec l'aide de C. Wilkins, fonctionnaire de la Compagnie. En 1800, lord Wellesley fonde à Calcutta le Fort William College et utilise les connaissances des missionnaires pour former les jeunes fonctionnaires anglais destinés à travailler en Inde. Avec l'aide de quelques lettrés indiens recrutés sur place, les enseignants du Fort William College s'emploient à faire composer, puis imprimer, des textes dans les diverses langues courantes. Les textes en prose sont soit adaptés de poèmes en langues régionales (braj, avadhi, etc.), soit des transpositions à partir du sanskrit, soit une notation par écrit des kathā (récits profanes ou religieux)[...]
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Écrit par
- Nicole BALBIR : docteur ès lettres, professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales.
- Charlotte VAUDEVILLE : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle, directeur d'études à l'École pratique des hautes études (IVe section)
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