OCCITANES LANGUE ET LITTÉRATURE
La littérature occitane
La littérature occitane n'a jamais été une littérature nationale au sens moderne du mot, les pays d'oc n'ayant jamais formé une nation. Au Moyen Âge, son domaine appartenait aux juridictions politiques du Saint Empire romain germanique, du comté de Toulouse, du duché d'Aquitaine et du royaume d'Aragon. Plus tard, il appartient aux provinces méridionales de la France. C'est essentiellement une littérature de « civilisation ».
Sous ce trait général, on peut distinguer trois phases dans sa manifestation concrète : au Moyen Âge, elle fut littérature d'une langue ; du xvie au xixe siècle, elle fut littérature d'un tempérament ; elle devient au xixe siècle littérature d'un peuple. Naturellement, ces trois traits se compénètrent à chaque époque.
Littérature d'une langue
L'idée que, pour l'essentiel, une littérature s'identifie à la langue dont elle procède est commune au Moyen Âge : c'est par exemple la conception de Dante. La langue d'oc fut une des premières langues modernes, sinon la première, à se dégager du latin dans la Romania. Ses plus anciens textes littéraires, dont le plus important est le poème de Boèci, datent du xe siècle. Dès son apparition, la langue littéraire occitane apparaît dans une forme presque parfaite et définitive. Quelles qu'en soient les causes (tradition scripturaire surimposée aux évolutions dialectales ou création d'une koinè à partir des dialectes), elle est l'outil unifié d'une littérature exprimant une unité de civilisation dont l'influence s'étend à toute l'Europe chrétienne, de l'Ibérie au Rhin, de la Sicile à l'Angleterre. On retrouvera ce caractère dans les traités de grammaire de Raimon Vidal de Besalú, les Rasons de trobar destinés aux Catalans, et, de Uc Faidit, le Donats Proençals destiné aux Italiens. Ce même caractère est évident, dès le milieu du xiie siècle, dans le Codi de Justinien, dont l'influence se fera largement sentir sur la formation de la langue juridique française.
Ce « vulgaire illustre » s'impose à la lyrique occidentale avec le premier troubadour connu, Guillaume IX, duc d'Aquitaine (1071-1127), dont l'œuvre, loin d'être contradictoire avec ce qui précède (sinon dans la forme et le style) constitue un nouvel art d'aimer. Cet art d'aimer, débattu et infléchi dans des directions diverses par les premiers troubadours : Jaufré Rudel, Marcabru, Cercamon, Bernard Marti, aboutira à la fin'amor grâce au joy, jeu et joie d'amour. Cette fin'amor emprunta la forme de la canso pour son expression la plus directe et celle des tensons et partimens pour l'expression de ses subtilités. Elle utilise pour s'exprimer soit le style du trobar leu, soit celui du trobar clus, ou ceux du trobar ric et du trobar prim. Au-delà de la monotonie de l'inspiration des épigones, ces diverses voix se feront entendre à travers les œuvres magistrales de Bernard de Ventadour, de Raimbaut d'Aurenja, de la comtesse de Die, de Peire d'Alvernha suivis de Giraut de Bornelh, Arnaud Daniel, Arnaud de Maruelh, Peire Vidal, Peire de Vic, Gaulcelm Faidit, et plus tard encore de Sordel et de Guiraud Riquier.
Dès le xiie siècle – le siècle d'or –, le sirventès, chant d'actualité, enseignement éthique, satire violente, joue un très grand rôle poétique avec Bertrand de Born, poète de la guerre comme de l'amour. Mais c'est au xiiie siècle, le siècle de la croisade contre les Albigeois, le siècle de la résistance occitane, que le sirventès s'élève au niveau de la satire tragique et épique, avec Peire Cardenal surtout.
Les travaux récents d'érudits espagnols et belges laissent entendre que la poésie épique est aussi ancienne en langue d'oc qu'en français.[...]
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Écrit par
- Pierre BEC : professeur à l'université de Poitiers, ancien directeur du Centre d'études supérieures de civilisation médiévale
- Charles CAMPROUX : professeur honoraire à l'université Paul-Valéry, Montpellier
- Philippe GARDY : directeur de recherche au C.N.R.S.
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Média
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