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TAMOULES LANGUE & LITTÉRATURE

Dans le groupe dravidien, le tamoul occupe une place privilégiée, moins par son importance numérique que par l'ampleur et l'ancienneté de sa littérature et par la conscience récente mais aiguë de sa personnalité au sein de la culture indienne. Langue officielle de l'État de Madras devenu Tamilnadu, dont la population dépasse quarante millions, le tamoul est aussi le véhicule linguistique de minorités ethniques à Sri Lanka, en Malaisie, à l'île Maurice, etc. Seule langue indienne qui offre dès le début de l'ère chrétienne un corpus lyrique profane sans équivalent connu en sanskrit, le tamoul possède avant la fin du Ier millénaire des épopées, des œuvres gnomiques et une poésie religieuse qui ne cessera plus d'alimenter sa liturgie et sa mystique. Fort de cet héritage, le tamoul poursuit avec brio l'itinéraire classique des autres langues vernaculaires de l' Inde, mais la littérature contemporaine, lourde d'un passé trop riche, qu'elle exalte avec conviction mais sans critique, en tire plus de fierté que d'inspiration.

Le «  Saṅgam »

Les premières inscriptions brāhmī tamoules sont du iie siècle avant J.-C., et les plus anciens textes constituent un corpus poétique appelé Saṅgam, du nom des trois académies légendaires qui se seraient succédé au cours des dix millénaires précédant l'ère chrétienne. On s'est efforcé de maintenir l'historicité de la troisième académie ; on possède neuf des quatorze textes que cite la légende, mais celle-ci n'est formulée qu'au xe siècle par le commentaire d'un traité de poétique, l'Iṛaiyan̄ār akapporul. Les textes eux-mêmes, à défaut de mentionner l'académie, témoignent d'une activité littéraire compétitive très consciente de ses conventions. Cette activité se poursuit à la cour de chacun des trois royaumes, Cera, Cola et Pāndya, et des principautés rivales qui constituent le pays tamoul au début de l'ère chrétienne.

La chronologie relative est inextricable mais les relations commerciales avec le monde gréco-romain, bien attestées, constituent un bon synchronisme. Le Saṅgam est l'écho d'une période antérieure au déclin de l'Empire romain, et, pour le sud de l'Inde, à l'essor des Pallava ; entre 200 et 400 un terminus ad quem est conjectural mais plausible. Aux disputes chronologiques s'en ajoutent d'autres sur l'originalité dravidienne et son degré de sanskritisation, sur le caractère oral ( ?) de cette littérature héroïque et « bardique », etc. Le fait essentiel est la valeur littéraire des recueils composant le Saṅgam, miracle de naturel dans les conventions strictes d'un art poétique très élaboré. Cette réussite exceptionnelle en Inde voudrait ne rien devoir d'essentiel au kāvya sanskrit, et constituerait même un apport original si l'on concluait à son antériorité à l'époque gupta. Mais les concordances entre le Saṅgam et la poésie sanskrite profane sont mal étudiées, ainsi que le rôle déterminant du prākrit (l'anthologie de Hāla). Rien toutefois ne semble égaler la systématique rigueur structurale de la thématique du Saṅgam, telle que l'expose son traité de grammaire, le Tolkāppiyam où la matière est répartie entre deux sujets, le puṛam (extérieur), ou lyrisme héroïque et éloges, et l'akam (intérieur), ou lyrisme amoureux, ayant chacun leurs situations, attributs et symboles. Deux recueils relèvent du puṛam, le PuṛanāNūru, élégies et panégyriques princiers plus que chants de guerre, et le Patiṛṛuppaṭṭu, Dix Décades consacrées chacune aux exploits d'un roi Cera. L'akam s'étale dans cinq anthologies d'un classement purement formel ; trois contiennent quatre cents poèmes brefs ( Kuṛuṅtokai ) moyens ( Naṛṛiṇai [...]

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, directeur de l'École française d'Extrême-Orient

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