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TAMOULES LANGUE & LITTÉRATURE

La littérature dévotionnelle

L'opposition n'est pas absolue entre un Saṅgam « séculier » et la littérature dévotionnelle qui éclôt vers le vie siècle. Le Paripāṭal faisait pressentir le lyrisme religieux qui va constituer du viiie au ixe siècle le second sommet de la littérature tamoule, expression poétique de la dévotion (  bhakti ) à Śiva et Viṣṇu. Distincts des préoccupations moralisatrices bouddhistes ou jain, comme du dogmatisme du cycle gnomique, étrangers à la spéculation théologique pure, hostiles au ritualisme, les chants dévotionnels sont d'abord une célébration lyrique. L'élément épique et purānique y est fondamental, et l'expression plus fortement sanskritisée, mais la leçon du Saṅgam n'est pas oubliée, notamment en ce qui concerne les phases du sentiment amoureux que l'on transpose en amour de Dieu. Deux recueils s'élaborent, l'un śivaïte, l'autre viṣṇuite, fort analogues en fait, bien qu'un sectarisme ultérieur les oppose. Ils ont en commun la ferveur du dévot qui se veut l'esclave de son Dieu qu'il préfère contempler à l'ombre de ses pieds plutôt que se fondre en lui, la conception hindouiste d'un dieu à la fois réalité suprême et permanente illusion, le choix des épithètes de louange et même des thèmes pour un poème entier, parfois aussi le goût de l'invective envers les hérétiques bouddhistes et surtout jains, ainsi que – et on peut le regretter – un sens du merveilleux hagiographique qui tient lieu d'histoire. Psaumes et cantiques du pays tamoul, ils s'intègrent à la liturgie et contribuent à alimenter de leur contenu philosophique implicite (élaboré par d'innombrables commentaires chez les viṣṇuites) les mouvements sectaires des siècles suivants, dans le Śaivasiddhānta ou chez les Śrivaiṣṇava ; leur influence dépasse ainsi largement les frontières du Tamilnādu.

Du côté shivaïte, le Tēvāram est le recueil de trois auteurs : Appar (première moitié du viie s.), jain converti, mystique au lyrisme sobre et dense ; Campantar, son contemporain, plus jeune, plus érudit, et infatigable pourfendeur des jains ; Cuntarar enfin (début du viiie s.), chantre moins austère et sans controverse. Au ixe siècle, Māṇikkavācakar écrit le Tiruvācakam, pur chef-d'œuvre, et un poème où les thèmes d'akam sont systématiquement traités selon une sorte d'érotisme dévot, le Tirukkōvaiyār. Tous ces textes seront regroupés avec d'autres un peu plus tard, pour former les douze Tirumurai, le douzième étant un long poème du xiie siècle par Cēkkilār, le Periya Purāṇam, qui narre la légende dorée des soixante-trois saints shivaïtes. Les neuvième et onzième Tirumurai recueillent les hymnes de divers poètes appartenant surtout aux xe et xie siècles, mais aussi le Tirumurukāṛṛuppatai, qui appartient au Saṅgam et célèbre moins Śiva que Skanda, et les poèmes de la Mère de Karikal, la première poétesse shivaïte, qu'on situe au milieu du vie siècle. Tirumūlar, mystique féru de yoga et d'āgama, devrait être son contemporain, mais son œuvre, pierre d'achoppement du Śaivasiddhanta tamoul, le Tirumantiram, paraît beaucoup plus tardive et fort composite.

Le Nālāyira-tivya-pirapantam est le recueil viṣṇuite correspondant ; il contient les œuvres des douze Ālvār, dont se détachent quelques personnalités : l'intolérant Tirumaḷicai, aux rythmes heurtés ; le prince Cēra Kulacēkarar ; le poète-musicien de basse caste Tiruppāṇāḷvār ; le guerrier Tirumaṅkai, brigand par dévotion ; le poète de l'enfant Kṛṣṇa, Periyāḷvār, et sa fille Āṇṭāḷ, qui se veut l'épouse de Kṛṣṇa et a écrit le Tiruppāvai, l'hymne le plus populaire du recueil. Le plus grand est sans doute Nammāḷvār, l'auteur du [...]

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, directeur de l'École française d'Extrême-Orient

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