ROMANES LANGUES
Quelques exemples de restructuration
Les changements de structure affectent toutes les catégories de la grammaire. La phonologie est particulièrement intéressante au point de vue des alternatives possibles du sens de l'évolution. En morphologie et en morphosyntaxe, il se produit une véritable réfection de systèmes. Il y a regrammaticalisation totale du système nominal (disparition de la déclinaison à cinq cas ; entrée en scène de constructions prépositionnelles et de l'article) aussi bien que du système verbal (perte du médio-passif ; réorganisation des temps grammaticaux, etc.). Au point de vue typologique, l'évolution part d'une langue OV qui construit à gauche (pater filium amat) pour aboutir, avec toutes les implications y relatives, à des constructions VO, c'est-à-dire à droite (pater amat filium).
Phonologie
Un trait fondamental qui distingue le roman du latin est la substitution de la qualité phonologique à la quantité. Dans le cadre du vocalisme, cela revient à dire qu'indépendamment de sa place dans la syllabe une voyelle était, en latin, longue ou brève. Le latin possédait un système à trois degrés, organisé de la façon suivante :
La distinction, par exemple, entre věnit (il vient) et vēnit (il vint) étant d'ordre quantitatif, la prononciation plus ou moins ouverte ou fermée de la voyelle ne joue aucun rôle. En roman, par contre, cette distinction est remplacée par une distinction qualitative (et accentuelle), de sorte qu'on peut établir en théorie la proportion suivante :
Il en résulte, entre autres, le système à quatre degrés, dit panroman, qui est commun à la plupart des langues romanes (à l'exception du roumain, des parlers de l'Italie méridionale et du sarde) :
C'est ainsi qu'on a, à partir de nǒvu ou * nóvo en tant que base panromane, des formes romanes comme nou (occitan), nuovo (italien), nuevo (espagnol), nuef (ancien français).
Des exemples de ramifications de ce genre peuvent être également trouvés dans le cadre du consonantisme. Voici, toujours à titre d'exemple, deux combinaisons consonantiques, cl- à l'initiale et -ct- intervocalique :
De ces schémas on peut déduire l'existence d'un groupe roman oriental représenté par l'italien et le roumain respectivement, lequel s'oppose à un groupe occidental (avec * noite comme dénominateur commun). Dans le cadre de ce dernier, la position particulière du français est évidente.
Morphologie et syntaxe
Il est intéressant de constater que les traits fondamentaux du groupement que nous venons d'esquisser sont aussi valables dans le domaine de la morphologie. Les ressources morphologiques du latin, pour autant qu'elles ont été mises à contribution dans la grammaticalisation du roman, s'adaptent à l'économie des différents parlers. L'on peut envisager à ce point de vue de paradigme des désinences du participe dit faible dans deux langues du groupe occidental :
Mais il faut se garder de considérer la restructuration de façon trop isolée. Soit le cas du latin murus/murum avec les représentants romans relatifs. Or, l'information fournie par le français le/un mur n'est pas identique à celle du latin murus. À la différence du latin, le français est explicite en ce qui concerne la détermination, mais il est sans indication relativement à la déclinaison. Pour être exacte, la correspondance devrait être notée :
latin murus : français le/un mur[+ position préverbale]latin murum : français le/un mur[+ position postverbale]
Dans ce cas, la restructuration consiste dans le fait qu'une fonction signalée par une désinence en latin est exprimée en termes de syntaxe en roman.
Considérations d'ordre typologique
Étant donné que ces langues sont toutes réductibles au latin, il est assez malaisé d'en établir une typologie. Les traits particuliers qui caractérisent[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Gustav INEICHEN : professeur à l'université de Göttingen.
Classification
Autres références
-
CATALOGNE
- Écrit par Mathilde BENSOUSSAN , Christian CAMPS , John COROMINAS , Marcel DURLIAT , Robert FERRAS , Jean MOLAS et Jean-Paul VOLLE
- 22 274 mots
- 8 médias
Le catalan est une langue romane parlée par plus de sept millions de personnes, réparties en une aire qui comprend la Catalogne, la partie de l'Aragon (d'une largeur approximative de 14 km) qui la jouxte, le Roussillon, la province de Valence, les Baléares. Le catalan fut officiellement parlé dans cette... -
CURTIUS ERNST ROBERT (1886-1956)
- Écrit par Véronique KLAUBER
- 1 069 mots
S'il fallait écrire l'histoire de l'idée de l'unité européenne, Ernst Robert Curtius y tiendrait une place éminente. En effet, ce savant philologue et critique allemand rêve, depuis la Première Guerre mondiale, d'une Europe sans frontières, dont l'unité culturelle serait sauvegardée par une élite...
-
ESPAGNE (Arts et culture) - La langue
- Écrit par Bernard POTTIER
- 5 306 mots
- 2 médias
L'année 1492 est fondamentale pour la destinée de la langue espagnole. Avant cette date, la Péninsule connaissait une période de fort dialectalisme, et la littérature, très estimable, était cependant relativement peu abondante. À la fin du xve et au début du xvie siècle, le castillan...
-
ÉTYMOLOGIE
- Écrit par Paul ZUMTHOR
- 5 411 mots
...ou transposition, retranchement ou addition de « lettres ». Ces principes permettent de rattacher diachroniquement haricot à faba, ou laquai à verna. Au reste, la connaissance que Ménage possédait de l'ancien français et des autres langues romanes lui permit de contrôler en fait ses principes,... - Afficher les 14 références