Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

SINO-TIBÉTAINES LANGUES

Phonologie historique

Les instruments de la reconstruction du chinois moyen et archaïque sont l'étude des dialectes et des emprunts, puis celle des documents anciens. En particulier, les dictionnaires de rimes du viie siècle après J.-C. ( Qieyun, Tangyun et Guangyun). Les mots y sont arrangés par tons et finales ; les homophones sont disposés selon la manière d'épeler dite fanqie : un caractère représente l'initiale, un autre la finale. À la fin de la dynastie Tang, ou au début des Song (907 ou 960) approximativement, le Qieyun apparaît dans une édition introduisant quatre divisions suivant la qualité de la voyelle qui rime et la présence ou l'absence d'un élément « médial » pouvant exister entre l'initiale et la voyelle nucléaire de la finale.

Les emprunts au chinois du vietnamien, du japonais et du coréen sont d'une grande importance pour la reconstruction du chinois ancien et archaïque ; en Chine même, les emprunts au chinois du zhuang, langue thaï parlée actuellement par environ douze millions de Chinois vivant surtout au Guangxi, jouent un rôle non négligeable. Inversement, les emprunts qu'a fait le chinois au sanskrit (véhiculé par le bouddhisme) à l'époque des Han permettent de mieux connaître les valeurs phonétiques des rimes d'autrefois.

Le chinois moyen (ou ancien : viie s. environ) n'a sans doute pas pour base, comme le pensait B. Karlgren, le dialecte de Chang'an, l'actuelle Xi'an, mais, si l'on en croit E.-G. Pulleyblank, le dialecte parlé dans la basse vallée du Yangzi. Le qieyun semble en fait représenter un conglomérat de plusieurs dialectes. Les rimes effectivement utilisées par les poètes Tang de cette époque (618-907) violent constamment le dictionnaire du Qieyun, et cela laisse entendre que le système phonologique était en réalité plus simple que celui qui est reconstruit à partir du qieyun seul.

C'est surtout sur l'ancien chinois ainsi restauré que l'on se fonde pour reconstituer le système phonologique du chinois archaïque (dynastie Han et avant). On se sert aussi d'un texte fondamental, le Shi jing (entre 800 et 600 av. J.-C.), dont les rimes ont été étudiées avec beaucoup d'attention. Karlgren recompose, pour le chinois archaïque, des finales -b, -d, -g actuellement disparues, afin de rendre compte de l'alternance entre les syllabes finissant ainsi et celles du chinois ancien à finales -p, -t, -k ; il y a des cas où ces finales, voisées et non voisées, riment ensemble, particulièrement quand le ton de la voisée était descendant (qu sheng). Karlgren propose encore comme initiales des occlusives voisées non aspirées d-, ̂ d, g-, qui seraient plutôt, d'après A. Haudricourt, des spirantes. Ce dernier a avancé en 1954 l'hypothèse, assez bien vérifiée, que le ton descendant du mandarin actuel représente un ancien suffixe -s, dont le rôle est de nominaliser un verbe ; par exemple dâk « mesurer » / dâks « la mesure » (Karlgren reconstruit respectivement d'âk / d'âg). R. A. D. Forrest, en 1960, reprend l'idée d'Haudricourt et fait correspondre le suffixe -s du chinois archaïque à un suffixe -s du tibétain classique. La structure morphématique du tibétain ancien et à plus forte raison du tibétain archaïque, était sans doute dissyllabique. Celle du mandarin actuel est monosyllabique, mais on comprend que les tenants de l'hypothèse sino-tibétaine s'efforcent de faire se rejoindre les deux langues. On voit par exemple Pulleyblank généraliser l'idée d'Haudricourt, en attribuant l'origine des tons en chinois à la perte de consonnes finales : toutes les syllabes, selon lui, étaient fermées en chinois archaïque, -  et -δ ont donné les tons plats et le coup de glotte a donné le ton montant. Ce qui est sûr, c'est que la reconstruction des tons et celle des finales archaïques vont nécessairement[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : docteur ès lettres, ancien directeur de recherche au C.N.R.S.

Classification

Autres références

  • BIRMANIE (MYANMAR)

    • Écrit par , , , , et
    • 31 961 mots
    • 18 médias
    ...(Akha, Chin, Hmong, Kachin, Karenni, Lahu, Lisu, Naga, Palaung, Rohingya, Wa...). Un peu plus d'une centaine de langues sont parlées en Birmanie, mais près de 80 % de la population parle une langue tibéto-birmane. Suivant les directions méridiennes des reliefs, les vagues migratoires successives ont...
  • NĀGA

    • Écrit par
    • 382 mots

    Habitant les collines Nāga qui séparent la Birmanie de l'État indien de l'Assam, les Nāga constituent un groupe de quinze tribus au moins possédant des caractères physiques et culturels fort variés. Les nombreuses langues nāga, monosyllabiques et polytonales, appartiennent au groupe tibéto-birman...