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LAO SHE ou LAOSHE [LAO-CHO](1899-1966)

Le roman et l'humour

Durant les cinq ans qu'il passe dans la capitale britannique, de 1924 à 1929, celui qui se fait appeler Colin C. Shu lit une grande partie de la littérature occidentale, notamment anglaise. Ses auteurs préférés sont alors Dickens, Wells et Conrad. Tout en lisant, il se découvre lui-même une vocation de romancier et se met à écrire. Grâce à son ami Xu Dishan, qui connaît le rédacteur en chef du Xiaoshuo yuebao, Zheng Zhenduo, ses trois premiers romans sont coup sur coup publiés dans la revue de la fameuse Société d'études littéraires (Wenxue yanjiu hui). L'écrivain prend pour l'occasion le nom de plume qui le rendra célèbre et qu'il conservera par la suite : Lao She.

La Philosophie de Lao Zhang (Lao Zhang de zhexue) et Zhao Ziyue sont deux œuvres qui, à maints égards, se rattachent encore au passé. D'une part, ce sont des sortes de romans à épisodes, où la langue écrite (wenyan) se mêle toujours à la langue parlée (baihua). D'autre part, la description qui s'y trouve faite du monde des écoles et des étudiants n'est pas sans rappeler toute la lignée de romans satiriques qui descend en Chine de La Forêt des lettrés (Rulin waishi). À partir de Messieurs Ma, père et fils (Er Ma), Lao She prend plus de distance avec la tradition. Il n'utilise plus que la langue parlée et choisit pour son livre un sujet en relation directe avec son expérience personnelle, à savoir les relations entre, d'un côté, deux Chinois de générations différentes, et, de l'autre, la vieille Anglaise qui les loge et sa fille Mary. La coexistence n'est pas toujours facile et il en découle plusieurs aventures cocasses, mais le romancier sait les exploiter sans tomber dans l'invraisemblance.

Avant de regagner son pays, Lao She parcourt l'Europe et s'arrête ensuite à Singapour où il enseigne pendant six mois dans une école secondaire. Il écrit sur place L'Anniversaire de Xiao Po (Xiao Po de shengri), une œuvre qui, sans prétendre à l'ampleur d'un véritable roman, dépeint avec précision la vie d'un jeune Chinois des mers du Sud. À son retour en Chine, l'écrivain découvre une situation profondément dégradée : Pékin n'est plus la capitale et les Japonais sont sur le point de bombarder Shanghai. Personnellement, il ne peut compter sur sa propre plume pour vivre. Il accepte donc le poste de professeur que lui propose l'université chrétienne du Shandong (Qilu daxue), à Jinan, ce qui lui permet également de se marier quelques mois après.

Toutes ces circonstances nouvelles n'entravent pas longtemps sa volonté d'écrire. Il entre, au contraire, dans la période la plus féconde de toute sa vie. Jusqu'au déclenchement de la guerre en 1937, il écrira presque un roman par an, sans compter toutes les nouvelles, les récits et les innombrables articles de revues qu'il fait paraître dans les meilleures revues littéraires de l'époque. En 1932, c'est La Cité des chats (Mao cheng ji), une satire virulente, où le lecteur reconnaît sans peine la Chine de l'époque, ainsi que le désespoir qu'elle inspire devant l'imminence du péril nippon. En 1933, paraît Divorce (Lihun), une œuvre plus sereine, qui met en scène de modestes fonctionnaires pékinois en proie à toutes sortes de difficultés, notamment matrimoniales. L'année suivante, La Vie de Niu Tianci traite avec beaucoup de finesse un sujet délicat : les rapports d'un enfant trouvé avec ses parents adoptifs et ceux qui sont chargés de l'instruire.

En 1935, Lao She publie La Vieille Carriole (Lao niu po che). Ce recueil d'essais littéraires est intéressant à plus d'un titre. D'abord, parce qu'il fournit à l'écrivain l'occasion de prendre du recul par rapport à ses livres antérieurs et de juger lui-même chacun d'entre eux. Ensuite et surtout, parce que l'humour,[...]

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Écrit par

  • : professeur de littérature chinoise à l'université de Paris-VII

Classification

Autres références

  • CHINOISE (CIVILISATION) - La littérature

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    • 47 508 mots
    • 3 médias
    À côté de ces grandes figures, qui appartiennent déjà à l'histoire, les principaux représentants de la génération suivante sont Lao She (1899-1966), Ba Jin (1904-2005) et Cao Yu (1910-1996). Lao She est de formation anglaise ; ses romans satiriques, grouillants de vie, introduisent une note gaie...
  • GENS DE PÉKIN, Lao She - Fiche de lecture

    • Écrit par
    • 716 mots

    Rassemblant des nouvelles parues dans les années 1930, Gens de Pékin est tout à fait représentatif de l'art et de la vision de Shu Quingchun, dit Lao She, né à Pékin en 1899 et mort en 1966, lors de la révolution culturelle. Mêlant lyrisme et réalisme, humour et cruauté, le recueil révèle...