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LAOCOON, OU DES FRONTIÈRES DE LA PEINTURE ET DE LA POÉSIE, Gotthold Ephraim Lessing Fiche de lecture

Gotthold Ephraim Lessing - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Gotthold Ephraim Lessing

S'il fallait résumer le Laocoon de Gotthold Ephraim Lessing (1729-1781) aux seules thèses qui en constituent l'armature apparente, on arriverait à un résultat malingre et de surcroît peu original pour le xviiie siècle. D'une démonstration hérissée de détails érudits émergent deux axiomes centraux : la peinture, soumise au principe de simultanéité, représente des corps coexistant dans l'espace, tandis que la poésie, soumise au principe de diachronie, représente des actions se succédant dans le temps ; par ailleurs, le peintre recourt à un langage constitué de signes « naturels », c'est-à-dire fondés sur la reproduction mimétique de la nature, tandis que le poète recourt à un langage constitué de signes « arbitraires », c'est-à-dire portés par les conventions de la langue. Que la théorie de Lessing ne soit guère novatrice dans son contenu n'ôte pourtant rien à l'intérêt de l'ouvrage. Car cet intérêt réside moins dans la formulation des principes que dans la méthode qui y conduit.

L'exemple contre l'axiome : fonction de la critique

Laocoon - crédits :  Bridgeman Images

Laocoon

Quelle est donc la progression de ce texte qui, à partir de sa parution en 1766, eut un si grand retentissement en Allemagne ? Dès l'abord, le traité paraît marqué par une étrange dualité méthodologique. Lessing entame son essai sur le mode déductif en énonçant le principe suivant : les Modernes, en réduisant les réflexions sur l'art à la seule règle de l'ut pictura poesis, ont fort mal compris les Anciens. Poésie et peinture (c'est-à-dire, dans l'acception de Lessing, arts plastiques en général et notamment sculpture) sont en réalité nettement séparées. Très vite cependant, l'auteur abandonne cette méthode d'exposition et opte pour une progression inductive, remplaçant l'énoncé d'axiomes par l'analyse détaillée d'exemples. Un cas singulier lui sert de point de départ, celui de la description que Johann Joachim Winckelmann donne du Laocoon dans ses Réflexions sur l'imitation de 1755. Winckelmann, note Lessing, semble subordonner peinture et poésie aux mêmes lois en affirmant que, comme le Philoctète de Sophocle, le Laocoon sculpté (œuvre hellénistique redécouverte à Rome en 1506) ne crie pas. Or cette comparaison, fondée sur le principe d'une stricte conformité des deux arts, est erronée pour lui.

Cette structure étrange, où la méthode déductive est en permanence subvertie par la méthode inductive, n'est en réalité nullement le fruit du hasard. Elle découle directement de la conception que Lessing a de la fonction du « critique ». De fait, le critique est pour Lessing celui qui place l'effet de l'œuvre singulière au centre du discours. À la différence du philosophe, qui cherche à démêler les règles générales dont procède cet effet, le critique fonde son discours sur le seul sentiment personnel suscité par l'œuvre donnée, autrement dit sur une analyse strictement empirique de cas singuliers. Dans l'argumentation de Lessing, deux cibles sont tout particulièrement visées par cette conception de la critique. Il s'agit tout d'abord de la « critique de règles », cette instance législatrice qui commence par énoncer les lois intangibles de la production du beau, à l'aune desquelles les œuvres singulières doivent ensuite être jugées. À côté de cette critique normative, incarnée notamment aux yeux de Lessing par Johann Christoph Gottsched (le grand promoteur du théâtre classique français en Allemagne), se profile un autre adversaire, plus jeune et plus menaçant : l'esthétique, cette science nouvelle dont Alexander Gottlieb Baumgarten vient de poser les fondements. Rien d'étonnant à ce que cette conception de la critique ait été défendue par un représentant de l'Aufklärung allemande. De fait,[...]

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Laocoon

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  • DESCRIPTION (esthétique)

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