LAP JEAN LAPLAINE dit (1922-1987)
Jean Laplaine, dit Lap, fut l'un des personnages les plus représentatifs de la continuité caricaturale propre au Canard enchaîné. Il naquit à Joigny en 1922. Après avoir participé activement à la Résistance, il collabora au quotidien Combat. En 1946, il fit son entrée au Canard enchaîné qu'il ne devait plus quitter. À cette époque existait au journal un style caricatural qui avait été élaboré par Jean Effel, Grove, Provost, Henri Monier, Paul Ferjac... Ces artistes avaient, tout en conservant leur originalité, mis au point une manière dépouillée, incisive, populaire qui s'inscrivait dans le droit-fil de la tradition du dessin satirique français. Lap devait exceller dans ce graphisme aussi concis et frappant que l'était le pseudonyme en forme de coup de fouet qu'il s'était choisi en réduisant son nom à une seule syllabe. D'emblée, il fait œuvre de continuateur en prenant en charge le symbolisme particulier du journal : on ne compte plus ses représentations des « canards » qu'avait créés Henri Guilac.
Il savait donner une image très ressemblante des personnages politiques du temps : de Gaulle – dessins qui lui valurent de figurer en bonne place dans l'anthologie De Gaulle et la caricature internationale (Albin Michel, 1969) au côté de son ami Moisan, orfèvre en la matière –, Giscard qu'il émacia à l'extrême, Mitterrand, dont il exagéra la dentition, etc.
Il appartenait à cette lignée de dessinateurs pour qui la caricature devait être immédiatement lisible et, en dépit de sa férocité, demeurer agréable à regarder. En cela, il peut être considéré comme un disciple d'Effel, caricaturiste qui, malgré ses choix idéologiques, conserva jusqu'à la fin de sa vie un esprit bucolique. Les premiers dessins de Lap sont, de toute évidence, marqués par l'esprit de son aîné qui fut, avant la guerre, le collaborateur le plus éminent du Canard enchaîné. Comme lui, il a une vision « réductrice » des personnalités politiques, attitude qui, par la suite, avec Siné, Cardon ou Vasquez de Sola, paraîtra assez traditionnelle. Lap est, en effet, étranger aux allusions picturales de Vasquez de Sola ou au sens de l'absurde de Cardon. Ses personnages sont dessinés pour être remis à la mesure humaine, pour être en quelque sorte neutralisés. Il entre un peu de magie populaire dans cette façon d'aborder le monde des célébrités politiques. En dépit de l'époque et de ses évolutions, il aura donc suivi sa route sans dévier, sans se laisser influencer par le caractère grinçant, provocateur de ceux auxquels le Canard enchaîné avait dû faire une place pour ne pas rester étranger à l'air d'un temps marqué par la présence corrosive de journaux comme Hara-Kiri et Charlie Hebdo.
Lap, comme ses prédécesseurs et comme certains de ses contemporains – Escaro, par exemple –, était très attaché au dialogue entre l'écrit et le graphisme qui avait contribué à sa formation. Il était un pur produit du Canard enchaîné. C'est pourquoi il n'est que peu sorti de cette « Mare aux canards » qu'il avait contribué à animer avec une drôlerie qui ne s'est jamais démentie. Il travaillait pour ce petit format auquel il savait que ses dessins étaient condamnés étant donné l'abondance des sujets traités dans l'hebdomadaire. Cette contrainte a joué un rôle important dans la formation d'un style qu'il n'a cessé d'épurer pour le rendre plus efficace. Tel n'est pas toujours le cas de ceux qui, entrés plus tard dans l'équipe, parviennent parfois difficilement à s'accommoder des réductions imprévisibles que la rédaction fait subir à leurs dessins.
La seule escapade hors du Canard enchaîné que Lap se soit accordée – et encore sous surveillance – fut la publication, pour la Jeune Parque du [...]
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Écrit par
- Marc THIVOLET : écrivain
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