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TRIER LARS VON (1956- )

Né le 13 avril 1956 à Copenhague, dans une famille de fonctionnaires communistes, Lars Trier a ajouté une particule à son nom, à l'instar de Stroheim, lorsqu'il était étudiant à la Danish Film School. L'emprunt – ici à la noblesse – est une figure de style.

L'individu, soi, la personnalité, ses accidents, son histoire constituent la matière brute de son travail de cinéaste. Ils ne sont pas seulement les éléments d'une possible incarnation, ils figurent également les puits – à la fois trous noirs et sources – d'une mémoire du cinéma. L'élaboration de formes cinématographiques passe, chez lui, par l'emprunt. En effet, ses personnages, ses histoires ont déjà été aimés, fétichisés par d'autres cinéastes (Lang, Dreyer, Tourneur), et Lars von Trier, cinéphile et studieux, les détourne, leur ajoute de nouveaux affects, dans une atmosphère singulière, résolument contemporaine. S’il invoque Dreyer et Sirk à propos de Breaking the Waves, c'est pour lui une façon encore de préconiser le retour aux sources, à la matière première. Lars von Trier emprunte également quatre jours par an à la vie de ses acteurs pour tourner à partir de 1994 Dimension, un film qui aurait dû se dérouler sur trente années, mais dont le projet fut interrompu.

Un cinéaste de la psyché

Porté par un fantasme de pionnier, d'explorateur du cinéma comme de ses propres origines, Lars von Trier nous impressionne, à chacun de ses films, par sa formidable obstination à reconstruire à partir d'un désordre, celui de son enfance marquée par la détestation de soi et de sa nationalité, jusqu’à ériger une forme cinématographique, travaillée par un sens aigu de son époque, entre la prose romanesque et l'imagerie d'une génération habitée par les concerts et les pochettes de disques des années 1970. « Ce n'est pas bien, ce n'est pas danois du tout, de se laisser fasciner », déclare-t-il ironiquement au moment de la sortie de The Element of Crime (1984). Puis, après celle deBreaking the Waves(1996) : « Lorsque j'étais enfant, la religion était quelque chose de totalement défendu. Pour moi, la religion correspond à une quête d'une enfance que je n'ai jamais connue. »

Si Lars von Trier octroie une psyché à ses personnages, c'est pour nous montrer (la tentation exhibitionniste n'est jamais absente de ses films) ce qu'il préfère filmer, en l'occurrence les phénomènes psychiques, tout ce qui part de l'esprit vers le corps. Ceci explique cela : l'individu Lars a eu beaucoup de difficultés à se soumettre au monde, à commencer par l’univers scolaire. En 1968, sa mère l'envoie séjourner dans un hôpital psychiatrique, dont il s'évade au bout de quelques semaines. Alors, elle lui offre une caméra super 8. Dès 1971, Lars commence à faire des courts-métrages, et décide que ses phobies seront les sujets de ses films. Il se découvre « une attirance presque fétichiste pour la technique du cinéma » et entre en 1974 à l'école de cinéma de Copenhague. Il réalise cinq courts-métrages : Le Jardinier d'orchidées, 1977 ; Menthe la bienheureuse, 1979 ; Nocturne et Le Dernier Détail, 1981 ; puis Images d'une libération, 1982, film de fin d'études primé au festival de Munich, qui, dans un noir et blanc qui peu à peu se laisse contaminer par la couleur, raconte les journées précédant la libération de Copenhague du strict point de vue de l'occupant nazi – sombre provocation dans un pays dont le roi Christian X a porté comme un défi l'étoile jaune pendant l'Occupation. En 1984, Lars von Trier réalise The Element of Crime. L'inspecteur de police Fisher, au terme d'une enquête sur une série de meurtres atroces, a recours à un psychothérapeute. Le film met en scène l'introspection de Fisher, en faisant[...]

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Écrit par

  • : critique de cinéma aux Cahiers du cinéma et à Trafic
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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