LASCAUX
Conservation et sauvegarde
La grotte de Lascaux est aussi célèbre dans le monde pour la richesse et l'originalité de son décor pariétal, héritage commun de notre humanité, que pour les dangers constants et répétés qui la menacent depuis sa découverte. Les références cliniques et le vocabulaire médical employés à l'adresse de Lascaux surprennent. N'est-ce pas là une simple grotte, une de ces entités minérales immuables figée depuis toujours hors de notre temps et de notre espace quotidiens dans une obscurité et une stabilité souterraines salvatrices ? Bien entendu, il n'en est rien, et nous savons aujourd'hui que Lascaux se comporte comme un organisme vivant. Elle est en symbiose avec son environnement et abrite même la vie : celle, virtuelle et imagée, d'un extraordinaire bestiaire peint et gravé, et celle, plus prosaïque, des organismes et micro-organismes qui peuplent naturellement ou artificiellement l'air, les sols et les parois. On l'aura compris, l'histoire de Lascaux est bien liée à celle de sa conservation et de ses tragiques avatars. Depuis 2001, les inquiétudes et les polémiques quant au sort du site vont croissant.
De la découverte à la première crise biologique et climatique (1940-1963)
L'effondrement du porche d'entrée il y a environ 18 000 ans, miraculeusement dévoilé par la chute d'un arbre en septembre 1940, avait mis en place les conditions naturelles d'une remarquable conservation des peintures et des gravures pariétales. La fraîcheur de Lascaux devait donc sa stabilité au cône d'éboulis de l'entrée, qui maintenait dans la grotte une température et une humidité constantes, ainsi qu'à la présence d'une couche de marne imperméable au-dessus de la cavité, qui empêchait les infiltrations d'eau. Quelques semaines seulement après la découverte, la minuscule ouverture est élargie, et l'éboulis et la clairière environnante sont partiellement dégagés, entraînant une première modification du ruissellement des eaux et de la circulation de l'air à l'intérieur de la grotte.
À partir de 1947, le comte de La Rochefoucauld, alors propriétaire du site, fait entreprendre d'importants travaux d'aménagement en vue de son ouverture au public. L'abbé Henri Breuil encourage cette décision, en dépit des réserves émises par son collègue et ami le comte Henri Bégouën. Les travaux modifient le niveau et la nature des sols ainsi que le volume de la grotte. Les éboulis de l'entrée sont creusés, une porte en bronze est édifiée, l'éclairage électrique est installé, des murs de séparation créant des sas sont construits pour protéger la grotte des influences extérieures. Elle est officiellement ouverte au public le 13 juillet 1948. Dès 1955, la très forte croissance du gaz carbonique accumulé par les nombreux visiteurs (1 200 visiteurs quotidiens en moyenne) provoque une accélération de la formation de calcite sur les parois (« maladie blanche »). La première crise bioclimatique débute. Les parois et les œuvres sont touchées. Quant aux visiteurs, ils sont incommodés. En 1957-1958, un système d'extraction du CO2 et de conditionnement de l'air est mis en place sous la direction d'Yves-Marie Froidevaux, architecte en chef des Monuments historiques. La température de la grotte est artificiellement fixée à 14 0C et un éclairage quasi permanent est entretenu. L'abbé André Glory, chargé de l'étude scientifique de la grotte, assiste à ces travaux et note que de larges et profondes tranchées (gaines techniques d'évacuation du CO2) traversent une bonne partie de la grotte. Le dégagement des éboulis de l'entrée se poursuit. Les bouleversements sont importants et l'apport massif d'air extérieur par la ventilation assistée amplifie l'introduction de micro-organismes. En 1960, des[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Patrick PAILLET : docteur en préhistoire, maître de conférences au Muséum national d'histoire naturelle, Paris
- Denis VIALOU : docteur ès lettres et sciences humaines, professeur de classe exceptionnelle au Muséum national d'histoire naturelle, Paris
Classification
Médias
Autres références
-
ART PARIÉTAL EUROPÉEN
- Écrit par Jean-Paul DEMOULE
- 235 mots
- 1 média
La chronologie de l'art rupestre préhistorique a longtemps reposé sur l'évolution stylistique générale mise en évidence par André Leroi-Gourhan, en s'appuyant sur des fouilles archéologiques. Celui-ci distinguait 4 styles, depuis les tracés sommaires de l'Aurignacien, vers...
-
ART PRÉHISTORIQUE EUROPÉEN - (repères chronologiques)
- Écrit par Jean-Paul DEMOULE
- 411 mots
— 40000-— 35000 Des traits gravés apparaissent à la fin du Paléolithique moyen. Dus aux derniers Néandertaliens, ils témoignent de l'existence de systèmes de signes matériels.
— 32000-— 28000 Datations par le carbone 14 de la grotte Chauvet (découverte en Ardèche en...
-
FIGURATION, paléolithique et néolithique
- Écrit par Jean-Paul DEMOULE
- 4 571 mots
- 6 médias
À Lascaux au contraire, comme l’ont bien mis en évidence André Leroi-Gourhan et Annette Laming-Emperaire, la thématique dominante est marquée par une opposition entre les chevaux d’une part, et les bisons ou les aurochs de l’autre, avec un animal périphérique, cerf ou bouquetin. Les animaux dangereux,... -
MAGDALÉNIEN ART
- Écrit par Denis VIALOU
- 1 484 mots
- 3 médias
Chacun connaît l'art magdalénien, même sans le voir, au moins depuis la découverte de la grotte de Lascaux (Dordogne) en 1940. L'art magdalénien fut même le premier art d'un passé « préceltique » inconnu, introduit dans des musées français, dès la première moitié du ...