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MOHOLY-NAGY LÁSZLÓ (1895-1946)

Artiste protéiforme, László Moholy-Nagy est né à Bácborsöd le 20 juillet 1895. À la fin de l'année 1919, peu après la chute de l'éphémère république des Conseils, il quitte la Hongrie pour s'établir successivement en Allemagne, en Angleterre puis aux États-Unis, incarnant dès lors la figure d'un artiste complet, en phase avec les valeurs internationales de la société industrielle. Ce n'est pas sans avoir pris part à l'essor de l'avant-garde hongroise : après son inscription à la faculté de droit de Budapest, en 1913, il a publié dès 1917 dans la revue littéraire Jelenkor et s'est engagé la même année dans la fondation de la revue de Lajos Kassák, MA (Aujourd'hui), support des débats suscités par les innovations artistiques venues de l'ouest comme de l'est. Durant la Première Guerre mondiale, Moholy-Nagy a entrepris en autodidacte la pratique du dessin et de l'aquarelle. À partir de 1918, son style s'est formé par absorption progressive des avant-gardes étrangères. Cette dynamique rejoint pleinement l'esprit de MA, dont le projet est la création d'un « synthétisme » artistique capable de répondre à l'idéal universaliste du communisme. C'est lors de son installation à Berlin, au début de 1920, que le jeune artiste découvre dans les technologies industrielles un nouveau terrain d'expérimentation artistique. Il tend alors à remettre en question non seulement les disciplines traditionnelles définies par l'académie, mais encore les modalités de perception et d'intégration sociale de l'art. En 1923, il est invité à enseigner au Bauhaus de Weimar pour concrétiser les nouvelles orientations affichées par le directeur de l'école, Walter Gropius, avec le slogan « art et technique, nouvelle unité ». Partagée entre une spéculation théorique fortement visionnaire et un projet artistique souvent contrecarré par des limitations matérielles, son œuvre constitue l'un des plus importants pivots entre l'expérimentation d'avant-garde et la culture plus récente du design industriel et de l'« intermédia » (exploration des relations entre les médias).

Berlin, capitale des avant-gardes

C'est dans le domaine graphique que s'oriente d'emblée la création de Moholy-Nagy. En 1919, il commence à Budapest une série de portraits au crayon qui semblent vouloir assimiler expressionnisme, cubisme et futurisme pour former à partir de ces styles un vocabulaire nouveau et personnel. Dans le Portrait du Dr Schairer (crayon sur papier, 61 cm × 48 cm, coll. Hattula Moholy-Nagy), dernière œuvre de la série, achevée à Berlin en 1921, l'artiste parvient à une tension spectaculaire entre le poids plastique de la figure et l'énergie circulante qui la traverse. Les mêmes caractéristiques formelles s'observent dans les tableaux à l'huile inspirés par l'architecture industrielle de la capitale allemande. Ces dernières œuvres répondent à la culture mécanisée de la métropole par des compositions de plans géométriques vivement colorés oscillant entre paysage urbain et abstraction. Elles témoignent de la familiarisation immédiate de l'artiste avec le dadaïsme berlinois, fondé sur le collage et le photomontage, mais aussi avec l'art non objectif russe (cubo-futurisme et suprématisme), représenté à Berlin par la galerie Der Sturm et la revue du même nom.

Dans La Grande Voie ferrée de 1920-1921 (huile sur toile, 100 cm × 76 cm, coll. Thyssen-Bornemisza, Madrid), Moholy-Nagy effectue un tournant décisif : il abandonne le domaine de la représentation pour transposer en termes picturaux l'idée de construction et de circulation, et donne à voir des portions de toile nue ramenant le tableau au statut d'objet concret. À l'automne de 1921, l'artiste signe le texte collectif [...]

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Écrit par

  • : docteur en histoire de l'art, responsable de programmation au musée du Louvre

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