TISZA LASZLO (1907-2009)

Né à Budapest en 1907, le professeur Laszlo Tisza est mort à Newton, près de Boston (Massachusetts, États-Unis) le 15 avril 2009, à près de cent deux ans. Fuyant la Hongrie puis l’Ukraine, il s’était réfugié au Collège de France en septembre 1937, puis aux États-Unis en mars 1941. Là, il fut embauché par le Massachusetts Institute of Technology (MIT) où il devint professeur et enseigna jusqu’en 1973. Il est principalement connu pour la découverte, avec Fritz London en 1938, que la physique quantique ne permet pas seulement de comprendre les propriétés microscopiques des atomes mais aussi celles de la matière visible à l’échelle macroscopique. Cette découverte historique eut lieu dans une tourmente particulièrement dramatique, celle de l'antisémitisme nazi et du stalinisme.

Fils d'un libraire, il avait effectué une brillante scolarité au lycée de Buda en gagnant la « compétition Eötvös » en même temps que deux élèves du lycée de Pest qui devinrent des amis intimes : Edward Teller, qui allait contribuer à la mise au point de la bombe H américaine, et Rudolf Fuchs qui, lui, allait être assassiné par les nazis hongrois. Tisza entreprit ensuite des études supérieures en mathématiques et en physique à l'université de Budapest pendant deux ans puis à celle de Göttingen. Dans ce haut lieu de la science de l'époque, il bénéficia des enseignements de Carl Friedrich Gauss et surtout de Max Born qui l'initia à la thermodynamique et à la physique quantique. Il bénéficia aussi des cours de Walter Heitler, autre Hongrois de seulement trois ans son aîné, de Paul Ehrenfest, d’Emmy Noether… Puis il rejoignit son ami Teller à Leipzig en 1930. Ensemble, ils comprirent la structure de la molécule de méthane (CH₄), ce qui, en y ajoutant une étude systématique des symétries des molécules et de la manière dont elles diffusent la lumière, lui permit d'obtenir l'approbation d'Eugene Wigner pour publier ses premiers travaux et d'obtenir un doctorat à Budapest en 1932.

Tisza commençait donc une brillante carrière scientifique quand il fut emprisonné pour délit d'opinion pendant quatorze mois par le pouvoir hongrois, à la suite de quoi, ne pouvant poursuivre ses recherches dans son pays, il réussit grâce à Edward Teller à rejoindre en 1935 le groupe de physique théorique fondé par Lev Landau à Kharkov (Ukraine). Il y participa à l'élaboration d'une classification des changements d'état de la matière. Mais c'était l'époque du durcissement du stalinisme et Landau dut se réfugier à Moscou auprès de son ami Piotr Kapitsa avant d'être incarcéré par le NKVD en mai 1938 pour avoir comparé Staline à Hitler. Tisza fut quant à lui licencié et s'échappa d'Ukraine non sans difficultés. En Hongrie, l'amiral Horthy avait pris le pouvoir et, allié d'Hitler, aggravait sa répression à l’encontre des Juifs. Tisza demanda donc un visa pour les États-Unis – il ne l'obtiendra qu'en 1941… Son ami Leo Szilard l'aida alors à rejoindre Fritz London qui, fuyant l'Allemagne nazie, s'était d'abord réfugié à Oxford puis, à l'invitation d'Émile Borel, Paul Langevin et Edmond Bauer, était arrivé à l'institut Henri-Poincaré (Paris) grâce à l'assistance matérielle du comité d'accueil fondé par un jeune biologiste d'origine biélorusse, Louis Rapkine. C’est donc en septembre 1937 que London et Tisza, accueillis et provisoirement protégés dans un milieu d’intellectuels parisiens, ont commencé à travailler ensemble et fait une découverte majeure.

À l’époque, tous les liquides connus cristallisaient ou devenaient fortement visqueux lorsqu’on les refroidissait… Mais, en décembre 1937, John Allen à Cambridge et Piotr Kapitsa à Moscou découvrirent que l’hélium liquide,[...]