LATINES (LANGUE ET LITTÉRATURE) La langue
Le vocabulaire
Au cours du ier siècle avant notre ère, le poète Lucrèce a déploré plusieurs fois la pauvreté du vocabulaire latin, « patrii sermonis egestas ». Ne soyons pas dupes de la formule : le poète s'excuse alors de recourir à des périphrases ou d'emprunter au grec parce qu'il ne trouve pas dans sa langue les termes techniques dont il a besoin. Mais quelle langue a jamais trouvé dans son berceau les mots d'atome ou de déclinaison ? En fait le lexique du latin n'était ni indigent ni mal équilibré ; les Laterculi d'O. Gradenwitz recensent 52 290 mots (le Petit Larousse en compte environ 50 000) ; Plaute emploie 8 793 mots, Cicéron un peu plus de 10 000 (il y en a 3 560 dans les tragédies de Corneille, 8 600 dans Don Quijote). La proportion des noms, adjectifs, verbes, adverbes, varie suivant les genres littéraires : somme toute, les faits ne sont pas très éloignés de ceux qu'on observe aujourd'hui dans les langues de l'Europe.
La différence fondamentale provient ici de ce que l'expansion du vocabulaire est en latin beaucoup plus récente : un grand nombre de mots portent encore – très reconnaissables à l'usager même inculte – la marque de leurs attaches originelles et les caractères du type de dérivation qui leur a donné naissance ; chacun d'eux est entouré de mots sortis de la même souche ; souvent cette souche elle-même reste encore productive. Comparé aux langues modernes, le latin comporte beaucoup moins de ces mots que des siècles d'usure phonétique et la disparition des mots apparentés ont rendus tout à fait isolés. Sans préjudice de sa diversité, le vocabulaire latin est plus concentré, plus construit. C'est un avantage.
Du côté des mots outils le bilan est moins satisfaisant : les prépositions sont assez nombreuses, mais elles sont rarement employées et fonctionnent mal ; surtout, il n'existe pas d'article et comme le latin ne recourt pas très volontiers non plus à l'adjectif possessif ou aux indéfinis, les déterminations que l'on trouve à cet égard marquées explicitement dans la plupart des langues modernes sont ici à tirer du contexte.
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Écrit par
- Jacques PERRET : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur honoraire à la Sorbonne
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