LATINES (LANGUE ET LITTÉRATURE) La langue
La syntaxe
Les libertés de l'ordre des mots constituent le trait le plus notable du système de la syntaxe : mobilité du verbe à l'intérieur de la proposition ; sujet, compléments de toute nature se disposant dans un ordre à peu près quelconque ; possibilité, dans les groupes nominaux, de séparer les appartenants syntaxiques (nom et adjectif, nom et complément de nom, antécédent et relatif). Cette mobilité, rendue possible par le système de la flexion nominale (chaque nom, pronom, adjectif, se présente sous une forme différente – à un « cas » différent – selon ses fonctions dans la phrase), donne à l'expression beaucoup de souplesse, dont la langue parlée, tout autant que les stylistes, profite largement. Elle permet aussi d'agencer sans lourdeur ni obscurité un nombre élevé de propositions dépendantes, à l'intérieur ou à la périphérie d'une unique principale dont les éléments, séparés sans violence, seront disposés en vue de la plus grande clarté et cohésion de l'édifice à construire.
Malheureusement, ces avantages syntaxiques sont compensés par de sérieux inconvénients. D'abord la complication des formes : chaque nom a six cas, mais les désinences affectées à ces cas sont différentes selon que le nom appartient (sans que cela ait valeur significative) à une déclinaison ou à une autre. Or, il y a cinq déclinaisons, ou plus exactement deux fois cinq, car il y a chaque fois deux séries de désinences, une pour le singulier et une pour le pluriel. Ces complications tendaient à se réduire ; le développement de l'écriture a ralenti une évolution qui eût été en somme favorable, et le latin s'est effondré avant de s'être allégé.
Le système avait d'autres défauts, peut-être plus graves : une fois mis à part le nominatif, le vocatif, le génitif, qui s'étaient vraiment spécialisés (cas du sujet, de la personne interpellée, du déterminant de nom), l'accusatif, le datif, l'ablatif restent seuls disponibles ; leurs champs d'emploi empiètent les uns sur les autres ; les fonctions ne peuvent être indiquées que de façon assez indécise. Surtout, le point d'attache des liens qu'elles instituent reste généralement dans le vague : souvent le mot paraît apporter sa contribution à l'idée générale de la phrase sans qu'on voie bien à quel élément plutôt qu'à tel autre le rattacher spécialement ; à la limite, c'est l'« ablatif absolu », apportant dans la phrase, hors construction, un certain nombre d'éléments nominaux dont rien n'indique la fonction. Sans doute des prépositions interviennent parfois ou peuvent intervenir, mais le système de la langue ne porte guère à les employer.
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Écrit par
- Jacques PERRET : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur honoraire à la Sorbonne
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