LATINES (LANGUE ET LITTÉRATURE) La littérature
Une cité qui se défait
Au début du ier siècle avant J.-C., la montée de l'éloquence et de la prose avait d'abord quelque peu relégué la poésie au second plan. Elle était abandonnée à des « amateurs », qui pratiquaient les petits genres, comme l'épigramme autour de Q. Lutatius Catulus, un grand personnage dont nous possédons une pièce fugitive, en l'honneur d'un jeune garçon. La poésie connaît alors une seconde naissance : Catulus et ses amis (Valerius Aedituus, Porcius Licinus) s'inspirent de Callimaque et du lyrisme éolien, revenu à la mode chez les Alexandrins. Ils ouvrent la voie à une « nouvelle poésie » (poetae noui), par exemple celle de Laevius, qui compose en mètres divers des pièces lyriques dans lesquelles il chante des amours de héros mythologiques (Alceste, Adonis, Ulysse...). L'inspiration hellénistique est évidente. La langue reste archaïque, mais cette poésie montre la voie à Catulle et, plus loin, à Properce et Ovide.
Plusieurs poètes écrivent des épopées, tantôt dans le goût d'Ennius, tantôt dans celui d'Apollonios de Rhodes. Furius Bibaculus, qui exalte les exploits de César, écrit lui aussi une épopée, Memnon. Un peu plus jeune que lui, Valerius Cato, de Crémone, traite de légendes grecques obscures. Son élève, C. Helvius Cinna, l'imite avec sa Zmyrna (histoire de la fille incestueuse d'un roi de Chypre, transformée en arbre à myrrhe). Citons enfin Varron de l'Aude, peut-être auteur d'une Guerre des Séquanes (en l'honneur de César) et sûrement d'Argonautiques. La poésie romaine « nouvelle » oscille, on le voit, entre la tradition patriotique et les jeux alexandrins.
La tragédie survit, avec Accius (entre 140 et 85) et ne s'éloigne pas des sujets traditionnels ; mais le même poète compose deux tragédies prétextes, Brutus et Decius, où s'affirme le sentiment que la piété envers les dieux est la condition de la grandeur romaine. Le grand courant de la littérature latine est alors représenté par la prose, qui, nous l'avons dit, était devenue l'arme de la classe dirigeante. En cette fin troublée de la République, c'est à la fois le lieu de l'action politique et celui de la réflexion théorique, qui adapte aux conditions de la vie romaine les spéculations des philosophes depuis Platon et Aristote.
Cicéron, à ce double titre, accomplit une œuvre immense. Né en 106 alors que les luttes les plus sanglantes n'ont pas encore été livrées, il meurt en 43, au cours des proscriptions qui visaient à supprimer tous les représentants du régime aristocratique. Il n'est pas de Rome, mais du petit bourg d'Arpinum, où subsistent, encore très vigoureux, les idéaux du passé. Esprit ouvert, Cicéron accueille la parole de tous les philosophes qui se pressent à Rome. En lui s'opère donc la synthèse entre les deux cultures. Son activité d'orateur (du Pro Roscio Amerino aux Verrines, et au-delà) est dominée par le souci d'une certaine morale – la justice –, cela autant que les circonstances le permettent. Non sans courage, il démasque comme consul, en 63, la conjuration de Catilina ; mais, pris au piège des lois, englué dans les intrigues infinies nouées dans l'État, il doit partir en exil, et son influence en est très diminuée. Ce qui le rejette vers l'autre aspect de la prose, la réflexion – d'abord sur l'État (qui l'amène dans le De republica, à repenser avec bonheur tout le système romain), puis sur la fonction de l'orateur (c'est-à-dire de l'homme d'État digne de ce nom). À mesure que les circonstances l'éloignent davantage de la vie politique, il publie des traités philosophiques (Des termes extrêmes des biens et des maux, les Tusculanes, le traité Des devoirs, etc.). Cet effet gigantesque de pensée représente une somme[...]
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Écrit par
- Pierre GRIMAL : professeur émérite à l'université de Paris-Sorbonne, membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres
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Médias