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LATINI BRUNO ou BRUNETTO (1220 env.-env. 1294)

Le renom en France de l'Italien Brunetto Latini vient de ce qu'il a composé son Trésor en français, déclarant que c'était « parler plus délectable et plus commun à toutes gens ». Mais son cas fait problème pour les lecteurs de la Divine Comédie, car Dante, qui fut son élève, le situe dans un cercle infernal qui passe pour celui des sodomites. Il semble qu'en réalité ce qu'il lui reproche soit d'avoir blasphémé contre sa langue maternelle, comme ses compagnons d'infortune au chant XV de l'Inferno, Accurse et Gratien, auraient maltraité le droit et la grammaire. Il le traite pourtant en « père » et le remercie de lui avoir « enseigné comment l'homme s'éternise » (par la gloire des lettres).

Florentin de bonne lignée, Brunetto Latini fut chancelier de la commune et chargé de mission auprès du roi de Castille. Exilé en France après la défaite de son parti, c'est là qu'il écrivit l'encyclopédie appelée Trésor, ensuite versifiée en latin sous le nom de Tesoretto. Revenu dans sa patrie en 1266, couvert d'honneurs, c'est lui qui fera lire à Dante la Consolation de Boèce et le De amicitia de Cicéron, c'est-à-dire les œuvres qui vont inspirer son Banquet.

Le poète lui doit une partie de sa vision universaliste, mais, tout en reconnaissant (dans le De vulgari eloquentia, I, 6) que le monde « lui est patrie comme aux poissons la mer » et que d'autres peuples ont usé de langues « plus délectables que la latine » (Dante songe ici à l'hébreu), il n'eût pas ajouté comme son maître : « Où que j'aille, je serai en la mienne terre, en sorte qu'aucune terre ne m'est exil ni pays étranger, car bien être appartient à l'homme, non au lieu » (Trésor, II, 2). Et surtout il n'eût pas écrit lui-même en langue d'oïl, dialecte des Capétiens abhorrés. Il reste que Brunetto Latini lui a probablement révélé une partie de la poésie française, mais surtout cette éthique d'Aristote (morale individuelle et politique) à laquelle il doit tant. Le chroniqueur Villani, qui dit Brunetto « grand philosophe » et « excellent maître en rhétorique », le loue d'avoir rédigé les lois de Florence et, non seulement « guidé et gouverné la république », mais « dégrossi les Florentins, les rendant habiles à bien parler » (Cronica, VIII, 10).

— Maurice de GANDILLAC

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