BACALL LAUREN (1924-2014)
Naissance d'un couple
Betty Bacal n'a que dix-huit ans lorsque Hawks l'engage et la forme durant de nombreux mois, changeant jusqu'à son nom en Lauren Bacall, avant de la faire jouer dans Le Port de l'angoisse (To Have and Have Not, 1944). Hawks avait beaucoup transformé, avec la collaboration de William Faulkner et de Jules Furthman, le roman d'Ernest Hemingway, conservant ce qui correspond au premier quart du film. En centrant l'intrigue sur les relations du couple Harry Morgan/Mary Browning et surtout en éloignant ce dernier personnage du rôle trop classique et attendu de fille facile, voire de prostituée (à la différence du personnage de Jean Arthur dans OnlyAngels Have Wings[Seuls les anges ont des ailes, 1939]), Hawks peut y introduire une femme typique, selon la critique féministe Molly Haskell, de l'héroïne américaine du cinéma hollywoodien des années 1940. Ce modèle de femme non soumise utilise ses attraits sexuels de façon élégante et désinvolte, non pour rabaisser l'homme mais pour conquérir une forme d'égalité. On connaît la recette voulue par Hawks : dans chaque scène, Bacall aura le dernier mot et quittera la pièce en laissant désemparé l'arrogant et sarcastique Bogart... C'est bien Slim (le personnage) qui pousse Harry à abandonner une neutralité qui en devient lâche, voire criminelle, mais Slim vit, elle, dans son propre monde, active mais indépendante, y compris sexuellement. Dans sa traduction littérale, « En avoir ou pas », le titre suggère un tour ironique qui n'existe pas dans la version anglaise, où il n'est question que d'argent !
Hawks réalisera en 1959 Rio Bravo pour contrarier l'idéologie qui sous-tend Le train sifflera trois fois (High Noon, 1952) de Fred Zinnemann où le personnage du shérif, interprété par Gary Cooper, demande en vain l'aide de ses concitoyens couards et inexpérimentés. Gageons que Le Port de l'angoisse fut sciemment réalisé contre Casablanca (1942) de Michael Curtiz, où Ilsa Laszlo (Ingrid Bergman) était l'objet d'un marchandage peu honorable entre Rick Blaine (Humphrey Bogart) et Victor Laszlo (Paul Henreid).
Si Le Port de l'angoisse est devenu un film légendaire, c'est grâce aux interférences entre le cinéma et la vie ; Hawks n'avait pas imaginé que la rencontre entre Hemingway et sa propre épouse, que conte le film, se doublerait de celle de Bogart et de Bacall. Il sera même dépité de l'idylle naissante entre les protagonistes : est-ce pour cette raison qu'il revendra rapidement le contrat de Lauren Bacall à la Warner ? Il déclarera plus tard : « Ce qui est drôle, c'est que Bogart soit tombé amoureux du personnage qu'elle jouait dans le film, alors elle a dû continuer à le jouer pendant le reste de ses jours. » Dépit, mais aussi justesse quant à sa thématique propre et celle de l'actrice : comment évoluer entre la femme idole mythifiée et une femme réelle, affirmant sa vérité sexuelle, économique, humaine ?
De celle qu'un critique a qualifiée de « jeune poulain », Hawks a fait un être à la silhouette élancée, à la fois charmeur et insolent, « une Marlene Dietrich charnelle », disait-il, jouant de l'expression de son visage baissé, le regard levé vers Bogart qu'elle ne trouvait, au départ, ni « sexy », ni « irrésistible », mais « plutôt cinglé », et qu'elle épouse en 1945. Le couple mythique ne se dissoudra qu'avec la mort de Bogart en 1957. La rencontre est moins miraculeuse dans Le Grand Sommeil (The BigSleep, 1946), même si ce nouveau film de Hawks est appelé à devenir un des sommets du film noir. Sous la direction de Delmer Daves puis de John Huston, le couple se reformera dans deux autres films noirs, Les Passagers de la nuit (Dark passage, 1947) et Key Largo (1948).
La Warner propose ensuite à Bacall[...]
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Écrit par
- Joël MAGNY
: critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux
Cahiers du cinéma
Classification
Média
Autres références
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BOGART HUMPHREY (1899-1957)
- Écrit par Christian VIVIANI
- 1 485 mots
- 2 médias
...libre d'un roman d'Ernest Hemingway. Le réalisateur, Howard Hawks, choisit une jeune inconnue pour donner la réplique à Bogart : une cover-girl nommée Lauren Bacall. L'acteur, alors marié, avec l'actrice Mayo Methot, est foudroyé par la beauté arrogante et l'élégance froide de cette débutante qui pourrait...