LAFFORGUE LAURENT (1966- )
Mathématicien français, lauréat de la médaille Fields en 2002 avec Vladimir Voevodsky (Russie). Né le 6 novembre 1966 à Antony (Hauts-de-Seine, France), Laurent Lafforgue a fait ses études supérieures à l'École normale supérieure (Paris) et à l'université de Paris-Sud (Orsay). Il est directeur de recherche au CNRS et professeur à l'Institut des hautes études scientifiques de Bures-sur-Yvette (Essonne, France). Il a effectué les travaux décrits ci-après pendant une période de sept ans au laboratoire de mathématiques de l'université de Paris-Sud.
Laurent Lafforgue a établi la correspondance de Langlands pour les corps de fonctions. Suggérée en 1967 dans une lettre du mathématicien canadien Robert Langlands, cette correspondance postule l'existence d'une bijection entre deux types d'objets de natures très différentes :
– les représentations galoisiennes (ou plus généralement les « motifs »), qui appartiennent à l'arithmétique, et qui mesurent si l'on veut la résolubilité des équations polynomiales ;
– les représentations automorphes (ou des avatars plus élémentaires comme les formes modulaires), qui relèvent de l'analyse sur les groupes de Lie.
Parmi les précurseurs de cette correspondance de Langlands, on doit citer certainement la loi de réciprocité de Gauss (1796), la théorie du corps de classes due à David Hilbert, Teiji Takagi et Emil Artin (début du xxe siècle), mais aussi la conjecture de Yukata Taniyama, Goro Shimura et André Weil finalement établie par les travaux extraordinaires d'Andrew Wiles (1994), complétés en 1999 par Christophe Breuil, Brian Conrad, Fred Diamond et Richard Taylor. La correspondance analogue pour les corps locaux a été établie par les travaux de Gérard Laumon, Michael Rapoport et Ulrich Stuhler (1988) dans le cas des corps de fonctions et ceux de Michael Harris et Richard Taylor (2000) dans le cas des corps de nombres.
Les travaux de Lafforgue occupent plusieurs centaines de pages et mettent en jeu de manière cruciale les idées de mathématiciens de tout premier plan développées depuis les années 1960, à commencer par la vision prodigieuse de Langlands. Le lecteur comprendra donc aisément qu'il est impossible de résumer ici la démonstration de Lafforgue. Essayons néanmoins d'expliquer comment ces différentes idées se combinent.
Pour démontrer la correspondance de Langlands, on doit savoir produire une représentation automorphe correspondant à une représentation galoisienne donnée. Il se trouve que l'on sait associer, aussi bien à une représentation galoisienne qu'à une représentation automorphe, une « fonction L » : c'est une fonction holomorphe d'un paramètre s, définie par un produit infini du style de celui qui définit la fonction zêta de Riemann. Dans le cas des représentations automorphes, ces fonctions L vérifient une équation fonctionnelle qui relie L(s) et L(–s). La correspondance que l'on cherche doit associer à une représentation galoisienne une représentation automorphe qui a même fonction L. Il en résulte que la fonction L d'une représentation galoisienne doit vérifier une équation fonctionnelle. Dans le cas considéré par Lafforgue, c'est ce qu'a démontré Alexandre Grothendieck dans les années 1960 et lui a valu la médaille Fields en 1966. Au contraire, dans le cas d'une « courbe elliptique rationnelle », l'existence d'une équation fonctionnelle est, outre la démonstration du « théorème de Fermat », la principale conséquence des théorèmes de Wiles et al.
Réciproquement, pour construire une représentation galoisienne correspondant à une représentation automorphe, Vladimir Drinfel'd (Médaille Fields en 1990) a proposé une stratégie et l'a menée à bien « en rang 2 ». Cette méthode consiste à définir une variété algébrique dont la « cohomologie[...]
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Écrit par
- Antoine CHAMBERT-LOIR : docteur en mathématiques, professeur à l'université de Rennes-I
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Autres références
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- 1 088 mots
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