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TAILHADE LAURENT (1854-1919)

Poète et publiciste, fils d'une famille bourgeoise du Béarn, Laurent Tailhade poursuit des études de droit à Toulouse. Il se lie aux milieux anarchistes et manifeste un tel anticonformisme que sa famille s'empresse de le marier, espérant ainsi le faire rentrer dans le rang. Il s'installe à Toulouse et participe néanmoins aux mouvements littéraires parisiens. Admirateur de Banville et du Parnasse, il est également séduit par les décadents. Mais c'est seulement à la mort de sa femme qu'il vient à Paris et rompt avec son passé. Il se lie à Barrès, Samain et surtout Verlaine et Moréas ; il participe à la revue La Nouvelle Rive gauche, qui prendra le nom de Lutèce en 1883 : s'y regroupent, à la lisière du symbolisme, les révolutionnaires et les décadents venus du Parnasse. Laurent Tailhade entreprend une nouvelle carrière et, en 1891, il publie un recueil de poèmes, Vitraux, où se retrouvent des pièces d'époques et d'inspirations diverses : veines liturgique, mystique et profane s'y mêlent comme dans son existence ; ce sont des vers encore sobres et émouvants. Mais, en cette même année, Au pays du mufle exprime avec beaucoup de bruit sa colère et sa haine de la bourgeoisie. De la même plume de pamphlétaire, Tailhade donne, en 1894, Attentats libertaires, tandis qu'il se bat à l'épée avec ceux que sa plume provoque. Lui-même blessé dans l'attentat du restaurant Foyot, il ne modère pas son ardeur pour autant et continue à défendre les interventions anarchistes, encore plus fracassantes que les siennes, contre l'ordre bourgeois (il avait notamment soutenu Vaillant lors de l'attentat à la Chambre des députés). Devenu journaliste (il collabore à L'Aurore et au Libertaire), il publie, en 1889, À travers les groins, une suite d'insultes rhétoriques où apparaissent tour à tour le bouffon et le cuistre. Ce satirique semble gagner un peu de sagesse dans l'inspiration sinon dans le style et propose des traductions, d'un ton très juste, de Plaute et de Pétrone ; ce lettré, qui se disait « aristophanesque », expliquant ainsi son tempérament querelleur, rassemble dans Poèmes élégiaques (1907) une œuvre que la caricature et le maniérisme risquent de rendre peu accessible aujourd'hui.

— Antoine COMPAGNON

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur à l'université Columbia, États-Unis

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