LAUZUN ANTONIN NOMPAR DE CAUMONT comte puis duc de (1633-1723)
La Bruyère, qui fit le portrait du duc de Lauzun sous le nom de Staton, écrivait : « Sa vie est un roman. » De Louis XIII à Louis XV, selon le duc de La Force qui lui consacra un livre paru en 1914, il fut « le témoin du Grand Siècle [...] dans l'entourage intime du roi ». Lauzun reçut une éducation militaire de gentilhomme et, capitaine au régiment de Grammont, colonel des dragons, il se fit remarquer par Turenne à la bataille des Dunes. Il accompagna Louis XIV à Saint-Jean-de-Luz pour le mariage du roi. Homme de Cour, homme de guerre, il devint maréchal de camp et favori de Louis XIV. Il crut alors que tout lui était permis et alla jusqu'à vouloir disputer au roi la conquête de Mme de Valentinois, ce qui lui valut de tâter de la Bastille une première fois. Il y retourna une seconde fois, après avoir vaillamment participé à la guerre de Dévolution, pour s'être mis en colère en présence du roi qui refusait obstinément de lui donner une charge à laquelle il prétendait. C'est à cette époque qu'il s'embusqua sous le lit du roi et de Mme de Montespan pour écouter leur conversation. Devenu capitaine des gardes en 1669, il est au sommet de sa gloire. Vint alors l'extravagant projet de mariage conçu et réalisé par Mlle de Montpensier, la Grande Mademoiselle, cousine du roi, qui était si éprise de ce gentilhomme qu'elle voulait en faire un prince. Les intrigues de la Cour, de la famille royale, de Mme de Montespan emportèrent la décision du roi, qui, au début, n'était pas défavorable à cette équipée romanesque. Lauzun prit le chemin de la citadelle de Pignerol, où il retrouva Fouquet, « locataire » du lieu depuis dix ans, et Mademoiselle fut inconsolable. Entré en 1671, il n'en sortit qu'en 1681 ; l'homme de Cour supporta très mal l'incarcération, tenta en vain de s'évader, multiplia les crises de révolte et d'exaltation mystique, mais ne craignit jamais de s'humilier dans des lettres interminables envoyées au roi et à son ministre de la Guerre. Libéré, il fut accueilli très froidement à la Cour, mais put épouser secrètement Mademoiselle. Celle-ci avait consenti à se défaire d'importantes terres au profit des enfants de Mme de Maintenon pour acheter la liberté de Lauzun. Mais celui-ci mena une vie tellement aventureuse qu'elle finit par le chasser « comme un coquin ». Il se tourna alors vers l'Angleterre, où le nouveau roi Jacques II le chargea d'amener en France, au milieu des périls de la révolution commençante, la reine et le jeune Dauphin. Cet exploit lui valut de retrouver la faveur de Louis XIV. Il joua un rôle important dans l'expédition jacobite d'Irlande, participa à la bataille de la Boyne en 1690, où les jacobites furent vaincus. Accusé d'incapacité et de lâcheté par ses ennemis parisiens, il se justifia devant Louvois et Louis XIV qui, pour montrer qu'il ne lui tenait nullement rigueur de cet échec, érigea la terre de Lauzun en duché héréditaire. Deux ans après la mort de la Grande Mademoiselle, Lauzun épousait Geneviève de Durfort de Lorge, qui n'avait pas quinze ans. Il ne parvint jamais à jouer un rôle auprès de Louis XIV, se contentant de divertir le roi et la Cour par ses farces. N'était-il que cela ? Les débuts de sa carrière militaire étaient prometteurs, Turenne loua son courage. Louis XIV le jugea-t-il à sa vraie valeur ? Ne vit-il en lui que le courtisan capable de lui ravir ses conquêtes amoureuses ? Bien des choses demeurent inexpliquées dans cette vie romanesque. Mais c'est une image fascinante que Lauzun laissa à ses contemporains : « Une distinction extraordinaire, une espèce de bravoure qu'on ne voyait pas dans les autres [...] un million de singularités », telle est l'image de Lauzun aux yeux de Mademoiselle.
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Écrit par
- Jean-Marie CONSTANT : maître assistant à l'université de Paris-IV
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