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BERMAN LAZAR (1930-2005)

Après Emil Guilels et Sviatoslav Richter, Lazar Berman fut l’un des très rares pianistes d’U.R.S.S. autorisé à se produire en Occident. Il y devint, dans les années 1970, une véritable star. Mais l’heure n’étant pas encore à la glasnost, les autorités soviétiques ne lui permirent pas d’y occuper durablement le devant de la scène. C’est à l’écart des studios et des salles de concert qu’il s’est éteint à Florence, le 6 février 2005, à la veille de ses soixante-quinze ans.

Né à Leningrad le 26 février 1930, Lazar Naumovitch Berman apprend avec sa mère les rudiments du piano et se révèle aussitôt un enfant prodige. À sept ans, il se produit au Bolchoï, avec quelques artistes en herbe, et y obtient une telle ovation qu’on lui fait enregistrer une fantaisie de Mozart et une mazurka de son invention. À dix ans, il donnera son premier concert avec orchestre. En 1939, sa famille s’installe à Moscou, afin qu’il puisse suivre les cours de l’École centrale de musique, puis du Conservatoire Tchaïkovski, où, de 1948 à 1957, il est l’élève d’Alexandre Goldenweiser. Ce grand pédagogue y enseignait depuis 1906 et avait déjà formé deux générations de pianistes, au premier rang desquels Samuel Feinberg et Tatiana Nikolaïeva. Mais Berman reçoit aussi l’enseignement d’autres maîtres comme Vladimir Sofronitski et Maria Yudina. Vient alors l’heure des compétitions internationales. Berman remporte le cinquième prix au concours Reine-Élisabeth de Belgique en 1956, le troisième prix au concours Franz-Liszt de Budapest en 1957 et grave plusieurs disques pour la firme Melodya. L’un deux – les Douze Études d'exécution transcendante de Liszt (1959) – est commercialisé par E.M.I. et Deutsche Grammophon et contribue à faire connaître son nom aux mélomanes occidentaux les plus avertis, qui guettent sa venue.

Celle-ci se fait attendre. Pour d’obscures raisons où l’antisémitisme a certainement sa part, les autorités ne permettent pas à l’artiste de quitter le bloc soviétique et le cantonnent à de modestes tournées dans les Républiques socialistes. En 1971, il est enfin autorisé à se rendre à l’Ouest et donne en Italie ses premiers récitals. Son succès grandit et se mue en triomphe lorsque Herbert von Karajan le prend sous son aile et enregistre avec lui, comme il l’avait fait autrefois avec Richter, le Premier Concerto de Tchaïkovski. Dès lors, les sollicitations affluent. Berman enregistre pour Deutsche Grammophon Les Tableaux d’une exposition de Moussorgski, diverses pièces de Prokoviev et de Rachmaninov, Les Années de pèlerinage de Liszt ainsi que ses deux concertos, pour C.B.S. le Premier Concerto de Brahms avec Eric Leinsdorf, le Troisième Concerto de Rachmaninov avec Claudio Abbado ainsi qu’un récital Beethoven. E.M.I. édite ses disques Schumann et Scriabine parus en U.R.S.S. Enfin, après avoir conquis l’Europe, il subjugue les États-Unis, notamment lors de son récital au Carnegie Hall en 1979. Bref, chacun s’éprend de ce géant barbu et débonnaire, qui se compare à un personnage de Tchekhov, mais que Guilels qualifie de « phénomène du monde musical ».

Malheureusement, dans les années 1980, les autorités soviétiques restreignent ses sorties à l’étranger. Forcé de se faire plus rare au concert, il se voit peu à peu délaissé par les maisons de disques et les médias. Si bien que, lorsque, au lendemain de la perestroïka, il quitte la Russie en 1990 et s’établit en Italie, sa popularité a décliné. Tout comme d’ailleurs ses moyens techniques : hier encore virtuose impavide, il est désormais sujet à des défaillances et à des trous de mémoire. Il se consacre alors surtout à ses activités d’enseignant au conservatoire d’Imola et contribue à promouvoir la carrière de violoniste de son fils Pavel, avec lequel il joue fréquemment en duo. Pianiste écartelé entre l’Est et l’Ouest, Lazar Berman meurt dans un relatif oubli,[...]

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Écrit par

  • : agrégé de lettres modernes, ancien élève de l'École normale supérieure

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