LE BEL ÉTÉ, Cesare Pavese Fiche de lecture
Le malaise d'être soi
Directeur littéraire de l'éditeur turinois Einaudi, Pavese révèle dans son journal, Le Métier de vivre (1952), qu'il se livre, au moment de la rédaction du Bel Été, à d'intenses recherches de poétique. En dépit de son ton réaliste et mesuré, la mise en parallèle du passage à l'âge adulte de Ginia avec les variations impressionnistes de la luminosité des cadres, qui vont de l'été éclatant des paysages sauvages du Piémont – terre natale de l'auteur et rare retraite heureuse – aux brumes mélancoliques et à la lueur blafarde de l'atelier, contribue à prolonger une construction mythique mise en place lors des Dialogues avec Leucò (1947). La corruption de l'appétit vorace de la jeunesse marque également Le Diable sur les collines : « Il y a une valeur dans la vie des sens, dans le péché. Peu d'hommes connaissent les confins de leur propre sensualité... » La critique de la haute société y est dominée par la matière langagière et poétique des discussions souvent paradoxales des étudiants, dont les voix s'entremêlent pour exprimer les ambivalences, entre sauvagerie et rationalisme, mysticisme et cynisme, qui caractérisent l'œuvre de Pavese. Le thème de la fête, les masques drôlatiques et l'atmosphère théâtrale du Bel Été se retrouvent dans le carnaval mortifère de Entre femmes seules. Seul récit situé dans un cadre entièrement urbain, celui-ci montre la subversion généralisée par l'argent, ultime moyen de communication possible entre des êtres noyés dans leur solitude.
Poursuivant sur un plan idéal la symbolique de Par chez nous, Cesare Pavese privilégie dans Le Bel Été la contrainte néo-réaliste aux dépens de la magie évocatoire, peut-être sous l'influence de la littérature américaine, qu'il a fortement contribué à faire connaître en Italie. Omniprésentes dans Le Bel Été, l'écoute sensible de la période transitoire de l'adolescence, la tension entre révolte et fascination pour l'échec, l'incommunicabilité – véhiculée par des « dialogues de sourds » inconclusifs et décalés ou des logorrhées inarticulées – et l'impossibilité du couple, l'obsession de la violence et du suicide dans une société valorisant le factice et l'apparence sont des thèmes essentiels de son œuvre narrative, mais aussi de son importante production poétique.
Entre femmes seules, le troisième récit du Bel Été, a été adapté au cinéma en 1955 sous le titre Le Amiche.
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Écrit par
- Carina MEYER-BOSCHI : DEA de littérature italienne contemporaine à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
Classification
Média