LE BOURGEOIS GENTILHOMME, Molière Fiche de lecture
Bourgeoisie, musique, danse, philosophie : une pièce de querelle
Fidèle à sa recette, Molière fonde par ailleurs le comique et le propos de la pièce sur des références à l’actualité immédiate. Comme Alceste dans Le Misanthrope révélait les travers de toute une galerie de types sociaux, le désir d’ascension sociale de M. Jourdain, qui se traduit par les différents arts dans lesquels il espère se former, permet d’aborder indirectement plusieurs sujets familiers du public.
Dans l’ensemble, M. Jourdain offre un contre-modèle de la galanterie, en appliquant de manière ridicule et mécanique des signes de distinction sociale dont il ne comprend pas les subtilités. Son échec cuisant dans le chant et la danse, ses réactions ridicules à la musique, tout cela entérine une idée fixiste de la société, dans laquelle il est peu sage de vouloir s’élever au-delà de son état. Or, depuis 1664, le renforcement des contrôles de noblesse et les déchéances qu’ils entraînent rendent cette question du statut particulièrement sensible. Le Bourgeois gentilhomme réitère ainsi l’idée d’une noblesse qui ne s’acquiert pas par l’argent, mais par naissance et par disposition.
Les différentes scènes de la pièce touchent également aux débats scientifiques et culturels contemporains. La passe d’armes entre le maître de musique et le maître de chant sur leurs arts respectifs se fait l’écho de la querelle entre les académies royales de danse et celle, à venir, de musique, qui émaille la décennie 1660. La leçon de philosophie sur la prononciation des voyelles, dans laquelle le maître de philosophie explique laborieusement la position des lèvres, raille un ouvrage du cartésien Géraud de Cordomoy (1668), qui énonce, sérieusement pour sa part, les mêmes observations.
Enfin, la cérémonie finale est également l’occasion pour Molière de poursuivre l’entreprise libertine de relativisation des religions initiée avec Tartuffe. Le « sabir », langage parodique utilisé pour tromper M. Jourdain, est en effet l’occasion de mentionner en passant de multiples courants pour suggérer la relativité générale des croyances. Il parodie également l’occultisme du discours religieux, puisque ce langage pseudomystique suffit à tromper M. Jourdain et à le maintenir dans son délire.
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Écrit par
- Christophe SCHUWEY : maître de conférences, université Bretagne sud, Lorient
Classification
Autres références
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COMÉDIE-BALLET
- Écrit par Philippe BEAUSSANT
- 732 mots
- 1 média
L'histoire de la comédie-ballet est fort courte : onze ans à peine, 1661-1672. Elle naît, en apparence, par hasard : lors de la fête de Vaux donnée par Fouquet (août 1661), afin de donner aux danseurs le temps de se changer entre les « entrées » du ballet, on intercale...
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LULLY JEAN-BAPTISTE (1632-1687)
- Écrit par Philippe BEAUSSANT
- 2 185 mots
- 3 médias
...par l'alliance de deux génies comiques complémentaires qui se sont entraidés et influencés l'un l'autre, tous deux passionnés par la comédie italienne et capables de paraître en scène : dans Le Bourgeois gentilhomme, par exemple, Molière interprétait M. Jourdain, face à Lully en Grand Muphti.