CAIRE LE
Créations monumentales des Fatimides
C'était le 6 juillet 969 : les quartiers furent distribués entre les corps de troupe dix mois plus tard. La nouvelle cité se développait entre le minaret sud de la mosquée d'al-Hakim et la porte Zuwaila ; à l'ouest, elle ne s'étendait pas au-delà du canal du Caire, aujourd'hui disparu, mais dont une rue porte le nom et rappelle le cours ; ses confins correspondaient, à l'est, aux limites actuelles. Les murailles extérieures étaient bâties en briques crues, et leur largeur au sommet laissait passer deux cavaliers de front. On entreprit sur-le-champ la construction d'un palais royal et, le 4 avril 970, on posait la première pierre de la mosquée al-Azhar, achevée le 22 juin 972. Un second palais fut érigé à l'ouest du précédent, sur l'ordre du calife Aziz (976-996). Les deux édifices étaient séparés par une esplanade devenue célèbre dans le monde musulman sous l'appellation de « Place entre les deux palais », où dix mille hommes de troupe pouvaient évoluer.
Ces deux palais califiens, meublés avec magnificence, ont disparu et fait place à d'autres édifices, dès le xiiie siècle, sur l'initiative des sultans mamlouks. Mais on a retrouvé de splendides bois sculptés, que le musée d'art islamique du Caire a recueillis. Ces boiseries, justement fameuses, offrent, dans des compartiments, une collection de scènes dont le voisinage surprend : chasses, séances de musique et de danses, beuveries. Certains médaillons représentent des groupes de bêtes affrontées, les unes figées dans des postures d'un calme serein, la plupart des autres traitées avec un sens aigu du mouvement. Le rythme général est dû à l'alternance de petits polylobes et d'hexagones oblongs. Ce contraste de la répartition va de pair avec l'harmonie des figurations qui se répètent symétriquement, à droite et à gauche d'une scène centrale. Les sculpteurs de ces boiseries ont créé des tableaux pleins d'exubérance et d'une beauté presque sensuelle. Deux relations de voyage permettent encore aujourd'hui de s'extasier sur le luxe de ces châteaux, celle du Persan Nasir-i-Khusrau, qui séjourna au Caire en 1046, et celle, enthousiaste, des ambassadeurs du roi Amaury Ier, qui furent reçus à la cour fatimide en 1167.
À la fin du xie siècle, la première enceinte fut remplacée par de solides murailles en pierre de taille. Les trois portes monumentales qui ont survécu font apparaître une technique parfaite ; ce sont : au sud, le Bab Zuwaila ; au nord, le Bab al-Nasr et le Bab al-Futuh. Elles évoquent les portes romaines, le Bab al-Nasr surtout, doté de saillants carrés en pierres d'appareil, de moulures et de modillons. Cette porte est reliée à la muraille par un chemin de ronde intérieur. L'ensemble est constitué de voûtes en plein cintre, de voûtes en berceau, de voûtes à moulures multiples ainsi que de coupoles sur pendentifs. Les deux portes septentrionales sont surmontées d'une chambre de tir et pourvues d'un emplacement de herses.
Outre ces trois portes, quelques beaux monuments de cette période ont subsisté : les mosquées al-Azhar, al-Aqmar, de Salih Talaï et d' Ibn Tulun, ainsi que les ruines de la mosquée d'al-Hakim. La mosquée d'Ibn Tulun, englobée depuis longtemps dans le périmètre de la ville, émeut par sa sobriété et sa vigueur ; l'édifice exprime avec force la gravité de la foi islamique ; la simplicité du plan n'a pas empêché l'architecte de jouer du contraste que la lumière de la cour fait avec la pénombre des nefs, cette dernière accentuée par la masse des piliers. Déjà compensée par les fenêtres qui semblent les alléger, la sévérité des arcades est encore atténuée par la frise des rosaces qui couronne le sommet des murs. Le curieux minaret de cette mosquée, avec [...]
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Écrit par
- Éric DENIS : chargé de recherche au C.N.R.S.
- Gaston WIET : membre de l'Institut, professeur honoraire au Collège de France
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