CANARD ENCHAÎNÉ LE, hebdomadaire
Principal hebdomadaire satirique français, Le Canard enchaîné, a été créé le 10 septembre 1915 par Maurice et Jeanne Maréchal, en riposte à la censure de la presse et à la propagande imposées par la guerre et ses difficultés. Le titre fait écho à L'Homme libre de Clemenceau, victime de la censure en septembre 1914 et rebaptisé L'Homme enchaîné en octobre. Mais il ne démarre vraiment que le 5 juillet 1916, s'annonçant comme « vivant, propre et libre ». Il va s'attaquer « à la guerre, à la censure, aux politiciens, aux affairistes, aux curés, au pouvoir, à la guillotine ». Originellement antimilitariste, il se situe délibérément à gauche, sans renoncer pour autant ni à son indépendance ni à son esprit critique. Ses premiers collaborateurs sont Anatole France, Tristan Bernard, Jean Cocteau, Henri Béraud, les dessinateurs Laforge et Gassier. Après la guerre arrivent Henri Jeanson et Roland Dorgelès. Critique vigilant du monde politique et économique, le journal soutient néanmoins le Front populaire et dénonce la montée des régimes totalitaires.
Il suspend sa parution en 1940 pour reparaître le 6 septembre 1944. Maurice Maréchal est décédé en 1942. Son épouse, Jeanne, reprend la direction de l'hebdomadaire avec Robert Treno, Gabriel Macé, Roger Fressoz (alias André Ribaud), Yvan Audouard, Morvan Lebesque, les dessinateurs Lap, Escaro. L'arrivée du général de Gaulle en 1958 va donner un nouvel élan au journal avec la création par le dessinateur Moisan et André Ribaud de « la Cour ». En décembre 1969, à la mort de Treno, Roger Fressoz prend la direction de l'hebdomadaire. C'est sous sa direction que Le Canard évolue vers la dénonciation des scandales divers qui vont éclabousser le pouvoir : l'affaire Aranda, l'affaire Boulin, les « micros du Canard »... et l'affaire des « diamants » de Valéry Giscard d'Estaing, ce qui permettra au journal d'atteindre un tirage de 850 000 exemplaires. À l'origine de cette nouvelle stratégie d'agitation politique reposant sur la publication de documents originaux, on trouve Claude Angeli. « Fou du roi et garde-fou de la République », selon le mot d'André Ribaud, Le Canard ne sera jamais interdit. Après 1981, il éprouve quelques difficultés à s'adapter à la victoire socialiste, mais cette période de transition dure peu et la cohabitation qui s'installe à partir de 1986 lui permet de retrouver sa place d'organe critique de la classe politique et de ses dérives, quel que soit le parti politique concerné.
Financé uniquement par ses lecteurs (il n'y a pas de publicité dans Le Canard enchaîné), il voit sa diffusion, qui a connu une progression constante, fluctuer à la hausse selon l'importance des affaires révélées. En 1936, Le Canard tirait à 200 000 exemplaires, 300 000 en 1945 ; il connut une chute dans les années 1950 (100 000 exemplaires) pour reprendre sa progression dans les années 1960. Il atteint aujourd'hui les 400 000 exemplaires en moyenne (dont 13 p. 100 d'abonnés), avec des pointes, comme celle de mai 1981 (élection de François Mitterrand) à 1,2 million ! Son supplément trimestriel, Les Dossiers du Canard, diffuse à plus de 60 000 exemplaires en moyenne. Ses statuts le préservent de toute prise en main extérieure puisque seuls sont actionnaires ceux qui y travaillent, ainsi que les fondateurs. La bonne santé de sa diffusion, sa confortable situation financière et l'absence de ressources publicitaires lui permettent d'être l'un des rares titres de presse à ne pas se lancer dans une course à l'audience sur Internet, sur lequel il n’a ouvert qu’un site vitrine. La rédaction de l'hebdomadaire, placée sous la responsabilité de deux rédacteurs en chef, Érik Emptaz et Louis-Marie Horeau, rassemble environ soixante-dix[...]
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Écrit par
- Christine LETEINTURIER : maître de conférences honoraire à l'université de Paris-II-Panthéon-Assas, Institut français de presse
Classification
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