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LE CONTE D'HIVER, William Shakespeare Fiche de lecture

« L'art est lui-même la nature »

Au niveau symbolique, la pièce célèbre tour à tour la supériorité de la nature sur l'art – à l'image de l'incarnation du principe de nature que représente Perdita, perfection de la vertu et de la beauté élevée loin des artifices de la cour – et celle de l'art sur la nature, mais toujours en les renvoyant dos à dos : c'est la nature qui constitue l'illusion parfaite, tout comme c'est le détour par l'illusion qui permet de parvenir à la vérité ultime – thème familier à Shakespeare s'il en est. Si la statue d'Hermione éclipse la réalité, c'est qu'elle est, en définitive, la réalité même dont elle prétend offrir l'image fidèle ; mais il aura fallu par le faux-semblant pour conduire Léonte au plus poignant des remords, et lui permettre de retrouver celle qu'il a si étourdiment sacrifiée. C'est précisément ce dépassement de l'opposition entre art et nature – débat conventionnel de l'époque – que Shakespeare met dans la bouche de Polixène à l'acte IV, dans un célèbre dialogue sur l'art de la greffe, où le roi de Bohême, contre Perdita, célèbre l'art du jardinier comme aussi beau et valide que le processus naturel : « Il y a dans cet art/ Qui ajoute, comme vous dites, à la nature/ L'art secret de cette nature. [...]/ C'est bien là un art, et qui va corriger/ Ou modifier, plutôt, la nature ; mais l'art/ Est lui-même la nature » (IV, 4). On saisit tout l'intérêt de cette célébration paradoxale de l'art, pour l'homme de théâtre qu'est Shakespeare, à une période où le théâtre est accusé par les puritains d'encourager tous les vices. Le Conte d'hiver, véritable hymne à la magie du théâtre et de la poésie, peut se lire comme une réponse subtile et souriante à ce débat sur les rapports entre éthique et esthétique.

— Line COTTEGNIES

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Écrit par

  • : agrégée d'anglais, ancienne élève de l'École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud, maître de conférences à l'université de Paris-VIII-Saint-Denis

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