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LE CULTE DU MOI, Maurice Barrès Fiche de lecture

Le Culte du Moi regroupe trois « romans » de jeunesse de Maurice Barrès (1862-1923) : Sous l'œil des barbares, publié chez Lemerre en 1888, Un homme libre, paru chez François Perrin en 1889, et Le Jardin de Bérénice, chez le même éditeur, en 1891. Ce n'est qu'en 1892, dans son Examen des trois romans idéologiques ajouté à la deuxième édition d'Un homme libre, que l'auteur décida de donner son titre général à cette trilogie dont l'idée semble s'être imposée en cours de rédaction. Au regard de la disgrâce où sont tombées aujourd'hui l'œuvre et la personne même de Barrès, en raison notamment de son évolution intellectuelle et de son engagement politique, on a peine à imaginer le succès que connurent alors ces trois ouvrages, et l'influence qu'ils exercèrent, auprès de personnalités aussi différentes que Paul Bourget, Charles Maurras et Léon Blum, comme, un peu plus tard, d'André Gide, François Mauriac, Louis Aragon ou encore André Breton, qui se demandait en 1921 : « Comment l'auteur d'Un homme libre a-t-il pu devenir le propagandiste de l'Écho de Paris ? »

Maurice Barrès, « prince de la jeunesse »

Première œuvre d'un débutant, Sous l'œil des barbares rapporte, sous la forme de tableaux très imprégnés du symbolisme en vogue à l'époque, « l'histoire des années d'apprentissage d'un moi, âme ou esprit ». Il s'agit pour le « héros », jeune homme sans nom (il n'en trouvera un, Philippe, que dans le troisième livre) de libérer son Moi des autres – les « barbares » – qui l'empêchent d'être lui-même. Si certaines formules peuvent autoriser une lecture ultra-romantique et dandy de cette résistance aux « futurs goujats », aux « jeunes gens de brasserie et autres Rastignacs », ou encore au « bonhomme Système » – condisciples collégiens et maîtres confondus dans un même rejet du philistinisme bourgeois –, Barrès a cru bon par la suite, dans son Examen, de démentir les interprétations par trop réductrices et d'élargir la notion de « barbare » aux « êtres qui de la vie possèdent un rêve opposé à celui qu'il s'en compose ». Quoi qu'il en soit, Sous l'œil des barbares est bien un texte de révolte et de désespoir, qui ne pouvait que séduire la jeunesse intellectuelle des années 1880-1890, en réaction contre le naturalisme scientiste encore dominant.

Un Homme libre marque à la fois la suite et le contrepoint « positif » de Sous l'œil des barbares. Si ce dernier s'achevait sur une certaine défaite du Moi, ce deuxième volet – le plus riche et le plus achevé – rend compte du « détail des expériences que Philippe institua et de la religion qu'il pratiqua pour se conformer à la loi qu'il se posait d'être ardent et clairvoyant. » À la suite d'un séjour à Jersey avec leurs deux compagnes, Philippe et son ami Simon décident de se retirer dans une maison éloignée de tout, quelque part en Lorraine. Là, les deux jeunes gens se livrent à des exercices spirituels inspirés, non sans une certaine ironie, d'Ignace de Loyola, afin de cultiver et d'étudier leurs émotions et leurs sensations. Bientôt, cependant, l'étude et la contemplation du Moi ne suffisent plus à Philippe, qui se résout à quitter Simon et à partir seul à Venise, au-devant du monde : « J'ai fini de me contempler. Comme les arbres qui poussent et comme la nature entière, je me soucie seulement de mon Moi futur ». Là, il découvre la beauté. De retour à Paris, Philippe, libéré de l'emprise des « barbares » comme de la tentation du renoncement au monde et de la pure contemplation, peut réintégrer la société, mais en « homme libre ».

Dans Le Jardin de Bérénice, une étape supplémentaire est franchie, en[...]

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  • BARRÈS MAURICE (1862-1923)

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    ...Bouteiller dans Leurs figures. Il vient à Paris faire des études de droit qui le passionnent peu et il fréquente assidûment les cénacles littéraires. De 1888 à 1891, il publie les trois romans qui constituent Le Culte du moi : Sous l'œil des barbares (1888), Un homme libre (1889), Le Jardin...