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LE DAGUERRÉOTYPE FRANÇAIS (exposition)

L'organisation, au musée d'Orsay, d'une exposition majeure consacrée aux premiers temps de la photographie en France (Le Daguerréotype français. Un objet photographique, 13 mai-17 août 2003), présentée ensuite au Metropolitan Museum of Art de New York (22 septembre 2003-4 janvier 2004), illustre la place prise par cette institution dans les études photographiques. Pour le grand public comme pour le chercheur, le musée d'Orsay est ainsi devenu un des lieux de l'histoire de la photographie, aux côtés, entre autres, de l'incontournable Bibliothèque nationale de France. Celle-ci lui avait d'ailleurs prêté un ensemble d'œuvres exceptionnel, sans lequel cette manifestation n'aurait pas eu le même intérêt. Mais il revient aux seuls conservateurs du musée, Quentin Bajac et Dominique Planchon de Font-Réaulx, ainsi qu'à leur collègue américain Malcolm Daniel, d'avoir conçu un projet original et présenté ainsi une exposition mûrement réfléchie.

Le daguerréotype, qui permet de fixer puis de conserver sur une plaque sensible, recouverte d'argent, les images captées par la « chambre noire », est d'abord une technique. L'exposition commençait donc naturellement par une présentation de son invention, qui est aussi celle de la photographie, avec les travaux de Nicéphore Niépce (1765-1833), auquel s'associe, en 1829, Louis Jacques Mandé Daguerre (1787-1851), peintre, lithographe et décorateur de théâtre. En août 1839, Louis-Philippe accordait à Daguerre et au fils de Niépce, Isidore, une rente à vie en échange de la divulgation du procédé. Les controverses autour de l'invention de la photographie et du rôle exact de Niépce et de Daguerre étaient évoquées à Orsay, mais là n'était pas l'important. Il ne s'agissait en effet que d'un prélude à la présentation du genre du daguerréotype en France pendant la quinzaine d'années qui suivirent.

La pratique du xixe siècle guidait la présentation, une place importante étant ainsi réservée aux portraits : autoportraits et portraits de photographes tout d'abord, puis portraits professionnels et portraits amateurs, enfin portraits post mortem. Le daguerréotype s'inscrivait dans les catégories définies du genre pictural, mais permettait également de les étendre – avec lui, on prend l'image du mort plus facilement que l'on ne moulait auparavant son masque mortuaire. Par ailleurs, le daguerréotype, compte tenu du long temps de pose nécessaire pour imprimer l'image sur la plaque sensible, devait être appliqué tout aussi naturellement au paysage. Des vues de Paris (le nombre de daguerréotypes représentant la capitale est considérable), mais aussi du reste de la France, constituaient une importante seconde section. L'exposition abordait ensuite des problèmes plus complexes : celui, justement, du temps de pose, avec les recherches menées pour arriver à une photographie plus proche de ce qui sera l'instantané, ou celui de la nature esthétique du nouveau procédé. Trois grands amateurs, particulièrement représentatifs à la fois de la pratique du daguerréotype et des débats qu'il suscita, étaient mis en valeur : Hippolyte Bayard (1801-1887), Adolphe Humbert de Molard (1800-1874) et Eugène Le Bœuf (1792-1879). L'exposition se terminait par la présentation de daguerréotypes réalisés par des Français à l'étranger, en particulier hors d'Europe, et par l'évocation de l'usage scientifique qui en a été très vite fait, notamment en physique, en médecine et en anthropologie.

C'est dans ces dernières sections que le projet des commissaires prenait tout son sens. Ils avaient en effet tenu à montrer la plaque comme une image, et non, comme c'est souvent le cas chez les Anglo-Saxons, comme un objet, le daguerréotype ayant été, à l'époque, à la fois l'un[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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