LE DÉCOR IMPRESSIONNISTE. AUX SOURCES DES NYMPHÉAS (exposition)
Du 2 mars au 11 juillet 2022 s’est tenue au musée de l’Orangerie à Paris l’exposition Le Décor impressionniste. Aux sources des « Nymphéas ». Son ambition était de dévoiler un pan méconnu de l’histoire de l’impressionnisme en présentant les dernières découvertes sur un sujet longtemps ignoré des historiens de l’art comme des amateurs – et de ce point de vue, elle était une réussite. En effet, la question du décor se heurte au mythe moderne d’un art libéré de toute fonction morale, didactique ou ornementale. Or, comme l'avançaient les commissaires de l'exposition, Sylvie Patry et Anne Robbins, dans le texte liminaire du catalogue, le décor s'oppose à la « légende héroïque » d’une « peinture spontanée, exécutée le plus souvent en plein air, sur le motif, sans contrainte de format ni de commande ». De sorte que les artistes eux-mêmes – Félix et Marie Bracquemond, Mary Cassatt, Gustave Caillebotte, Paul Cézanne, Edgar Degas, Édouard Manet, Claude Monet, Berthe Morisot, Pierre-Auguste Renoir et Camille Pissarro pour l’essentiel – font preuve à son égard d’ambivalence. Davantage, les rares ensembles décoratifs menés à leur terme ont pour la plupart été démantelés et les collectionneurs ainsi que les musées ont volontiers estompé leur fonction initiale en modifiant les formats et les encadrements.
Aussi, la tâche qui incombait aux commissaires était-elle immense : réunir un corpus – environ 120 tableaux, panneaux, dessins et objets –, en étudier les fondements esthétiques, mais aussi examiner le discours pluriel et ambigu des artistes à son sujet, et enfin définir sa place dans l’histoire de l’impressionnisme et dans son historiographie.
Qu'est-ce que le décoratif ?
L’exposition était structurée en sept sections. En ouverture, « Peintures idiotes » était consacrée aux premières œuvres décoratives réalisées par les impressionnistes pour des particuliers et à certains de leurs tableaux à caractère manifestement commercial. Ainsi étaient accrochés sur les mêmes cimaises les décors conçus par Degas pour un café (Clown musical, 1868), Pissarro pour la salle à manger de son cousin (1874-1875) ou Monet pour une hostellerie (1885-1886), et de séduisantes images de fleurs propres à contenter une clientèle profane, imaginées hors d’un cadre précis (Monet, Fleurs de printemps, 1864). Cette section s’achevait avec la réunion des panneaux réalisés par un Cézanne encore gauche pour la propriété de ses parents à Aix-en-Provence (vers 1860-1869). La deuxième salle, « Le décor de la vie quotidienne », rassemblait des « essais de décoration », sous-titre ironique adressé par les artistes à la critique qui, jugeant le style impressionniste trop lâche, les qualifia avec mépris de « décorateurs ». On y contemplait également des toiles provenant de décors véritables, dont celui exécuté par Manet pour Antonin Proust (1881-1882). Pourtant, en raison probablement de la nature équivoque du projet impressionniste, il était difficile de percevoir les spécificités de ces décors. Les commissaires évoquaient l’influence de l’estampe japonaise – ses espaces vides, ses compositions décentrées, sa perspective cavalière – et l’iconographie « moderne », deux éléments que l’on retrouve pourtant, en des termes comparables, dans les tableaux de chevalet de ces artistes. Plus encore, les impressionnistes délaissent d’ordinaire tout parti-pris évident (réflexion sur l’espace et l’architecture, composition en frise, recherche sur l’ornement ou la surface, etc.), au contraire d’autres peintres tels que Pierre Puvis de Chavannes ou, quelques années plus tard, les nabis, dans leurs propres décors. De même que Monet, auteur des Nymphéas, Caillebotte se distinguait néanmoins par les moyens picturaux mis en œuvre.
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Écrit par
- Camille VIÉVILLE : docteure en histoire de l'art contemporain, historienne de l'art, auteure
Classification
Média