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LE DEGRÉ ZÉRO DE L'ÉCRITURE, Roland Barthes Fiche de lecture

Roland Barthes - crédits : Ulf Andersen/ Getty Images

Roland Barthes

Publié en 1953 aux éditions du Seuil, Le Degré zéro de l'écriture est le premier livre de Roland Barthes (1915-1980), qui ne s'était fait connaître jusqu'alors que par des articles (en particulier ceux qui seront réunis, en 1957, dans les Mythologies) donnés aux Lettres nouvelles, à France-Observateur, Esprit ou encore Combat. C'est d'ailleurs dans ce dernier journal que Barthes a fait paraître, en août 1947, l'un de ses tout premiers textes, déjà intitulé « Le Degré zéro de l'écriture », dont l'ouvrage de 1953 ne conserve que le titre et quelques lignes de l'introduction. Les dix chapitres sont, eux, soit des inédits, soit des refontes et développements d'articles publiés également dans Combat, d'abord en septembre 1947, puis en novembre et décembre 1950. À sa sortie, le livre reçut un accueil plutôt favorable. Il est demeuré depuis lors emblématique de ce qu'on nommera, quelques années plus tard, « la nouvelle critique ».

Une histoire de l'écriture

Le livre s'ouvre sur un préambule programmatique à la fois modeste et ambitieux : « Les limites matérielles de cet essai [...] indiquent assez qu'il ne s'agit que d'une introduction à ce que pourrait être une Histoire de l'écriture. »

C'est ce concept d'« écriture » que Barthes va commencer par définir (« Qu'est-ce que l'écriture ? »). Située entre deux déterminismes – la langue, code social limitatif, et le style, substance même de l'écrivain –, l'écriture est le lieu d'une liberté, mais d'une liberté prise dans l'Histoire, le « choix de l'aire sociale au sein de laquelle l'écrivain décide de situer la Nature de son langage ». C'est dire si elle engage l'écrivain, ou si, par elle et en elle, l'écrivain « s'engage » : en ce sens, elle constitue bien une « morale de la forme ».

Dans les chapitres suivants, Barthes va s'attacher à préciser le contenu de cette morale, rejetant la clôture de l'écriture politique, y compris intellectuelle (« Écritures politiques »), renvoyant les artifices du roman, même revendiqués et exhibés, à l'ordre bourgeois (« L'Écriture du roman »), valorisant, contre le classicisme, l'intransitivité de la poésie moderne (« Y a-t-il une écriture poétique ? »).

La seconde partie, fidèle au programme fixé dans l'introduction, reprend les mêmes thèmes selon une approche plus historique. Du xvie jusqu'au milieu du xixe siècle a triomphé le classicisme, identifié à l'idéologie bourgeoise. Mais, aux alentours des années 1850, s'est produite une rupture sociale, politique et idéologique qui a placé la littérature dans l'impasse féconde de sa propre histoire, la contraignant désormais à travailler à sa perte pour exister. Trois étapes marquent le cheminement de cette crise de conscience : le moment Flaubert (« L'Artisanat du style »), ou la mise en place de la « valeur-travail » de l'écriture, art « désidéologisé », c'est-à-dire assumé comme « convention claire » ; le moment Rimbaud-Mallarmé (« L'Écriture et le silence »), ou l'écriture-suicide, l'évitement de l'imposture par le mutisme ; et enfin le moment Camus-Queneau (« L'Écriture et le silence », « L'écriture et la parole »), soit l'apparition d'un « degré zéro de l'écriture », débarrassé de toute valeur et de toute profondeur (l'écriture blanche de Camus) ou d'un « degré parlé de l'écriture » (Queneau), qui « assume le masque littéraire, mais en même temps le montre du doigt » (Essais critiques, 1964). Contre l'académisme pseudo-révolutionnaire (« Écriture et révolution ») du naturalisme post-flaubertien comme du réalisme socialiste[...]

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