LE DERNIER MOUVEMENT (R. Seethaler) Fiche de lecture
On l’imagine davantage debout sur une scène derrière un pupitre qu’allongé sur le pont d’un bateau. C’est pourtant la situation qu’a choisie Robert Seethaler pour évoquer la vie de Gustav Mahler, ou plutôt une journée dans la vie du compositeur. Nous sommes en février 1911. « À même pas cinquante ans, il était un mythe, le plus grand chef de son époque et peut-être même de toutes celles qui suivraient. » Il revient des États-Unis où il a donné une série de concerts avec l’orchestre philharmonique de New York, comme il l’a déjà fait plusieurs fois auparavant. Mais en ce jour, il a perdu de sa superbe : ce n’est plus l’homme cassant et intransigeant, la terreur des musiciens soumis à son implacable perfectionnisme. Mahler a contracté une infection généralisée lors de ce quatrième séjour en Amérique, et c’est un homme à bout de force que le paquebot Amerika ramène en Europe.
Variations sur un thème
Dans Le Dernier Mouvement, quatrième roman de Seethaler traduit en français, comme les précédents, par Élisabeth Landes (Sabine Wespieser éditeur, 2022), l’originalité de l’auteur ne se limite pas à placer Mahler dans un lieu insolite ; il l’isole carrément du monde en ne faisant intervenir aucun autre personnage, hormis un garçon de cabine qui vient lui apporter du thé chaud ou des couvertures. Seethaler avait déjà introduit dans son roman Le Tabac Tresniek (2012) une figure d’adolescent, provincial naïf, qui servait de faire-valoir à Sigmund Freud. Ici, le garçon de cabine fait office de messager entre, d’une part, le monde d’en bas où se trouvent les autres passagers, dont sa propre femme Alma, et, d’autre part, l’artiste dont la déréliction sur le pont désert est accentuée par l’immensité de la mer grise.
Les cinq séquences du roman sont scandées par les souvenirs qui remontent au gré des impressions fugaces données par la nature, qui fut toujours sa première inspiratrice. Ainsi le cri d’une mouette, la forme d’un nuage, la couleur des vagues viennent animer les derniers jours de la vie du compositeur. Il ne survivra pas longtemps, en effet, à son infection. Après avoir débarqué à Cherbourg, Mahler est conduit à Paris où il est traité pendant une semaine par un éminent spécialiste, élève de Pasteur, avant d’être transporté à Vienne où il décède d’une endocardite, le 18 mai 1911.
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Écrit par
- Pierre DESHUSSES : traducteur
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