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LE DERNIER TANGO À PARIS, film de Bernardo Bertolucci

« C'est comme jouer aux grandes personnes quand on est gosse ! » (Jeanne)

Le Dernier Tango à Paris est un film sur la notion de fiction. Sur les enfants qui se racontent des histoires et qui voient le grand jardin d'une maison de campagne comme une jungle peuplée d'animaux fantastiques. Sur les adultes qui n'arrivent plus à croire, aussi bien qu'avant, aux jungles et aux animaux fantastiques. Que leur reste-t-il, d'ailleurs, aux adultes ? Le cinéma, mais c'est un ersatz bien imparfait de la capacité de l'enfance à habiter naturellement des mondes possibles. Sous les traits de Jean-Pierre Léaud, Tom tourne un portrait de Jeanne qui entend brouiller la frontière entre film et quotidien, sur le modèle du propre film de Bertolucci, où les passants se retournent sur Brando quand il court sur les grands boulevards : « Tu m'as embrassée et tu savais que c'était filmé ? Salaud ! », dit Jeanne – Tom n'achèvera jamais le film. Il y a une photo de Godard dans une chambre mais c'est la chambre d'un homme sans intérêt ; il y a une bouée qui s'appelle L'Atalante (Jean Vigo, 1934), mais elle coule... « C'est vraiment un crime de vieillir », conclut Jeanne.

Si le cinéma fait défaut il reste les jeux de rôle : l'inconnu, l'inconnue, dans la chambre vide. Les jeux sexuels, le « lâcher-tout de l'étreinte » (Michel Leiris). Mais Paul et Jeanne ont beau grogner comme des pithécantropes, « on finit toujours par apercevoir la mort au fond du trou du cul », comme dit Paul. La seule lueur capable de triompher des désenchantements de l'âge adulte, c'est l'amour. La publicité peut promouvoir des produits consolants « avec adoucissant intégré », ou bien comme l'explique Jeanne, la mode pop peut s'emparer du mariage, mais la « société du spectacle » ne peut pas salir l'amour. Hélas ! il tient à peu de choses, et se retrouver dans une boîte minable devant du champagne tiède, à écouter l'être aimé avouer qu'il a des problèmes de prostate, n'est pas du goût de Jeanne.

Le féminin est d'ailleurs vu comme quelque chose de particulièrement dangereux pour l'autre sexe, que ce soit Jeanne jouant du revolver ou la compagne de Gato Barbieri, à genoux devant lui, coupant de ses dents le fil avec lequel elle vient de recoudre sa braguette. Le traitement asymétrique de la nudité est peut-être le corrélat de cette méfiance : si Maria Schneider apparaît dans le plus simple appareil, Brando reste habillé (hors un instant burlesque qui le voit montrer ses fesses au jury d'un concours de tango). Mais les corps ont beau être nus, le secret demeure. La propre femme de Paul est restée pour lui, malgré les années passées ensemble, un être indéchiffrable, y compris en ce qui concerne son suicide.

— Laurent JULLIER

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

Classification

Autres références

  • BARBIERI GATO (1932-2016)

    • Écrit par
    • 841 mots

    Le saxophoniste ténor argentin Gato Barbieri a adhéré en Europe à une forme d’expression purement nord-américaine, le free jazz. Installé aux États-Unis, il trouva l’inspiration en renouant avec les traditions latino-américaines – ce qui assura son succès.

    Leandro « Gato » Barbieri...